Comment former au management paradoxal
Par Bruno Dufour, vendredi 20 avril 2007 à 14:02 :: Executive Education, Développement des dirigeants :: #49 :: rss
Les situations managériales sont de plus en plus paradoxales. Les formations classiques n'y préparent pas. Cette réflexion permet d'envisager quelques pistes.
Les paradoxes de l’entrepreneur et de l’entreprise :
comment s’y préparer
20/04/2007
Du grec « dokein», acquérir ou faire acquérir, de la même famille que docteur, document, dogme, disciple et discipline, orthodoxe…paradoxe signifie « contraire � la connaissance commune ».
Entreprendre est sans doute une activité paradoxale, puisqu’il s’agit d’assembler des éléments qui ne vont pas naturellement ensemble (entre-prendre, mettre ensemble), les entrepreneurs sont des personnes qui ne sont pas effrayés par les paradoxes, mais la vie n’est elle pas elle-même paradoxale ?
Le système de pensée aristotélicien, puis cartésien a progressivement chassé de notre mode de raisonnement la pensée paradoxale, considérée comme créant de la confusion. Au contraire des asiatiques qui ont de tous temps conservé, notamment dans le tao cette pensée duale. Ceci reste déconcertant pour les occidentaux. La pensée occidentale a besoin de lignes claires, d’objectifs définis, de cohérence, de missions bien définies, de choix, (c’est blanc ou noir !) une chose ne peut pas être en même temps elle-même et son contraire. Les dissonances cognitives ne sont pas les bienvenues. Au mieux les raisonnements sont articulés sur le triptyque classique : thèse, antithèse, synthèse. Pour ou contre. Les choix religieux sont exclusifs, alors que les japonais peuvent se recommander de plusieurs religions. Le système éducatif, les guerres de religion, l’inquisition, les guerres, les débats politiques obligent � être de gauche ou de droite. Vivre c’est choisir.
Le concept de problème, essentiellement mathématique, sous-entend au travers de la formation que chaque problème a une solution et une seule, que les données, toutes les données, sont valides, et que des lois logiques et scientifiques permettent de trouver la bonne solution. Les élites sont sélectionnées sur ces critères.
Il est intéressant de noter qu’un des tests les plus utilisés mondialement, le GMAT (Graduate Management admission test) utilisé pour sélectionner les étudiants candidats aux grandes et prestigieuses Business Schools utilise une épreuve intitulée « Conditions minimales » qui pose les questions « � l’envers ». Pour faire simple, il s’agit de repartir de la solution connue d’un problème pour demander au postulant de quelles données, précisément et uniquement, il a besoin pour traiter le problème. Cette épreuve soumise � des professeurs agrégés de mathématiques a généré beaucoup de difficultés, voire d’angoisse, tant elle était inhabituelle. Pourtant, tous les jours ,ce type de situation se présente.
Les dirigeants sont dans des situations paradoxales, quand elles ne sont pas critiques, où les données ne sont ni sûres ni toutes présentes, où les lois de traitement de données ne sont pas connues, et la solution parfois inexistante, voire où les solutions créent des problèmes encore plus importants. Les dirigeants sont confrontés � des situations où les acteurs ou partenaires agissent sur des motifs ambigus, avec des comportements sous-tendus par des émotions plus que par des faits. Si par hasard l’environnement naturel ne correspond pas � ces désirs il est transformé, � grands frais, � grands chocs, � grands effets retour. C’est l� la forme du progrès retenu par la civilisation occidentale.
Paul Valery disait « Ce qui est simple est faux, ce qui ne l’est pas est inexplicable ». Les occidentaux ont besoin de comprendre, de s’approprier et de gérer le monde. Depuis Nietzsche l’homme est devenu un dieu, il peut tout faire. Les nouvelles théories du chaos et de la complexité sont désormais l� pour expliquer ce qui n’était pas compris. Mais le sens final échappe sans cesse. Il faut donc apprendre � vivre avec ce manque, cette angoisse de l’incomplet, cette ambigüité et ces paradoxes
Les dirigeants sont contraints � donner des décisions simples et claires, compréhensibles par tous et valables indéfiniment. Si ces lignes directrices ne sont pas claires, ils sont taxés d’incompétence. « Le mieux est l’ennemi du bien » dit la sagesse populaire. Une montre arrêtée est exacte deux fois par jour, mais il vaut sans doute mieux une montre en léger décalage qu’arrêtée.
De plus en plus, et notamment dans leurs efforts de globalisation ou d’internationalisation les entreprises se trouvent dans des situations totalement paradoxales, en contradiction complète avec leur déclarations institutionnelles officielles, de projet, de valeur, de culture, de stratégie…
Faut-il avoir partout la même organisation, copier le modèle du pays d’origine, pour être sûr de ne pas se tromper ? Dans une grande entreprise de distribution d’origine française, le RH français en Chine ne cesse de répéter que les chinois sont « comme les français ». Il ne parle ni l’anglais, et encore moins le chinois. Ses affirmations ne sont l� que pour le rassurer et lui faire faire l’économie de la compréhension de la situation. Que penserait-il si une entreprise chinoise en France disait que les français sont comme les chinois et qu’ils doivent être traités de la même façon ? Les entreprises américaines sont souvent tombées dans ce piège du modèle de pensée unique, et les européens le leur ont bien reproché. Mais � leur tour ils font de même.
Ces erreurs sont commises depuis des décennies et se poursuivent. Quelle surprise pour un dirigeant français en Chine de découvrir que souvent la relation causale ne fait pas partie de l’équipement intellectuel du chinois. Comme tous les asiatiques, le chinois est un excellent observateur et mémorisateur, � un degré qui surprend les européens. Mais expliquer une chose par une autre est un mécanisme qui leur échappe. C’est un artefact d’intellectuel, ce n’est pas la réalité. La réaction des européens est souvent de crier � la stupidité des locaux. Ils n’ont simplement pas la même manière de penser.
Accepter de fonctionner dans la dualité est des grands atouts du développement international.
Mais � partir de ce constat simple, il faut se donner des objectifs opératoires.
Peut-on envisager d’aborder les situations paradoxales, d’apprendre � les décoder, � les gérer, � les expliquer, � les déléguer sans renforcer le niveau de paradoxe, � former � l’accompagnement des collaborateurs, � former aux traitements spécifiques des paradoxes..
La tolérance � l’ambigüité varie d’une culture � l’autre comme l’a démontré Hofstede et ceci doit rentre dans la préparation des managers internationaux et en premier lieu des personnels RH et des responsables de formation.
Très souvent dans, et ce dans différentes cultures, l’apprentissage du paradoxe se fait au travers de l’initiation. Il s’agit la plupart du temps de mettre le jeune, le novice, le bizuth, le dernier arrivant, dans une situation complexe, isolée, loin des ressources ou de l’aide des aînés, et de le laisser se débrouiller, éventuellement en accroissant momentanément la pression, pour l’aguerrir, et apprécier son niveau de résistance au stress. Parfois ces épreuves s’accompagnent d’épreuves physiques où l’endurance et le courage sont évaluées .
Aujourd’hui dans le monde occidental, suite � quelques excès, l’atténuation de ces rites en a diminué considérablement l’impact physique ou psychique.
Il n’en reste pas moins que dans le processus d’intégration, dans tout groupe humain et a fortiori une entreprise suit ce schéma éternel. Cela s’appelle un stage, une intégration, une période probatoire etc…
Le jeune ingénieur intégrant cette grande fabrique de pneumatique aura son parcours probatoire, souvent très formateur, où il devra faire preuve de stabilité émotionnelle, de créativité, d’initiative, de force de caractère, de capacité de travail et de conviction en s’appliquant au traitement d’un problème transverse complexe, pour ne pas dire paradoxal.
Au passage il découvrira l’entreprise et devra prendre de multiples contacts dans des services différents auxquels il pourrait avoir � faire par la suite, et se créer ainsi son premier réseau.
Le schéma dans une grande entreprise de l’automobile est � peu près le même sinon qu’il se passe en situation managériale de premier rang en usine, face aux réalités complexes du management des hommes, des problèmes de production, des questions techniques.
Dans la distribution, le jeune chef de rayon devra lui aussi faire son chemin sans ménager ses forces et son temps. Il lui est souvent dit qu’il est patron d’une micro-PME qui s’appelle un rayon et dont il a la charge complète et maîtrise le compte d’exploitation. S’y rajoutent souvent les manœuvres vexatoires de personnel issu du rang, jaloux de ces embauches de jeunes diplômés, en rupture avec la tradition pour des jeunes qui progresseront vite dans la carrière, alors qu’eux mêmes suivrons un chemin plus long.
Dans une entreprise pétrolière, comme dans une entreprise de boissons gazeuses, le jeune cadre recruté passera quelques semaines sur un camion de livraison histoire de voire le métier de plus près et de se frotter au terrain.
L’initiation sans doute la plus formalisée de nos jours en France reste celle des compagnons du devoir, dont le tour de France et les apprentissages successifs chez des maîtres différents, avec l’accueil des « mères » reste, avant la réalisation du chef d’œuvre un des modèles du genre.
Les sociétés discrètes, telles les loges maçonniques, en font une pratique courante.
La profession des chefs, dans la grande tradition de la cuisine française, maintient ce parcours initiatique de façon remarquable, l� pour apprendre les sauces, ici la pâtisserie, l� encore pour les rôtis…
Tous ne résistent pas � ces épreuves, car il est vrai que, même pour un diplômé, un concours d’entrée difficile ne prépare pas � ces réalités paradoxales.
Ceux qui réussissent ces premiers pas se verront confier des paradoxes de rang supérieur.
Le mythe de la rencontre du Sphinx et d’Œdipe persiste sous des formes plus élaborées.
La formation des prêtres égyptiens, dans la tradition hermétique, était encore plus rude, car l’impétrant, véritablement sous l’influence de drogues, « vivait sa mort » et au passage quelques rencontres chimériques et monstrueuses pendant plusieurs jours.
Une situation paradoxale peut produire, et cela a été observé des réactions différentes :
Inhibition totale, la personne soumise au paradoxe s’immobilise et ne fait plus rien (situation fréquemment observée en entreprise lors de crises graves)
Fuite, par le bas : absence, maladie (parfois dépression ou raptus), départ, démission
Sortie conflictuelle, l’anxiété générée crée des tensions et met en opposition des visions différentes, cette énergie peut se retourner contre soi-même
Echappement par le haut par usage de processus imaginatif et créatif (c’est le principal contenu de la pédagogie de la mythologie, des récits légendaires, des contes de fées, de David contre Goliath, du Petit Poucet, de Cendrillon, et de leurs correspondants modernes…)
Les stages de survie, les sauts � l’élastique, populaires � certains moments sont autant d’épreuves initiatiques, dissimulées sous l’étiquette motivationnelle ou de construction d’esprit d’équipe. Dominer sa peur est un des principaux objectifs de l’initiation en général. Car la peur est inhibitrice de l’action.
Il existe sans doute, des modes cognitifs ou comportementaux qui produisent des résultats similaires et mettent en œuvre des démarches plus simples � reproduire sans doute moins manipulatoires, et correspondant plus aux besoins de l’entreprise.
Considérons donc que le paradoxe est une donnée réelle, un fait, une réalité qu’il ne faut ni chercher � fuir ni � utiliser en manipulation d’autrui.
Quelle approche constructive et opératoire pour aider � ce nouvel impératif de management ?
1. Quelques critères comportementaux � identifier (similitude entre capacité paradoxale et ouverture culturelle, relation � l’ambiguïté)
2. Former au paradoxe, former � l’accompagnement
3. Gérer, manager, expliquer les paradoxes et communiquer
4. Les outils organisationnels des situations paradoxales (responsabilisation, décentralisation, formation, délocalisation…)
1. Quelques critères comportementaux � identifier (similitude entre capacité paradoxale et ouverture culturelle, relation � l’ambiguïté). A tout prendre il est plus facile de développer des qualités qui existent � l’état latent que de les créer de toutes pièces.
Tout le monde ne réagit de la même façon aux situations paradoxales et toutes les situations paradoxales ne sont pas identiques.
Le niveau de paradoxe peut être plus ou moins important. Gagner de l’argent en vendant � prix bas est un enjeu d’un certain niveau, beaucoup le font avec succès, mais cela reste plus aisé que de faire travailler, dans un marché concurrentiel, � prix bas une équipe de recherche dotée d’une expertise rare de haut niveau.
Les qualités que l’on va trouver naturellement chez ceux qui seront le plus � l’aise avec les objectifs multiples et paradoxaux sont :
a) Une tolérance � l’ambiguïté (flexibilité)
b) Une résistance au stress, un certain sang-froid face au risque, une stabilité émotionnelle
c) Une ouverture, une curiosité naturelle, une forme d’indépendance d’esprit, la capacité � observer et aller chercher de l’information pertinente, et � considérer des informations que d’autres négligeraient (la lecture rapide est un plus !), a relier entre elles des choses qui apparemment n’ont rien � faire ensemble (intelligence combinatoire, flexibilité)
d) Des attitudes souples et flexibles face � un environnement défavorable, savoir sortir des sentiers battus, voire enfreindre des règles s’il le faut
e) Une capacité � générer beaucoup de réponses diverses (fluidité)
f) Une capacité � mobiliser autour de soi, � communiquer,
g) La capacité � faire plusieurs choses en même temps (polychronisme)
h) Une certaine résistance physique, une bonne gestion de ses ressources
i) Une capacité certaine s’organiser et � passer � l’action
Ces qualités peuvent exister naturellement. Elles peuvent aussi être développées dans des exercices appropriés.
Constatons que le système éducatif nous prépare bien peu � l’épanouissement de ces qualités. Combien de programme de développement managérial prennent en compte ces préoccupations ?
2. Former au paradoxe, former � l’accompagnement : quelques pistes
a) Les démarches cognitives
La formation � la lecture rapide
La maîtrise d’une langue étrangère
L’analyse systémique (cf les dix commandements de l’approche systémique de Joel de Rosnay issu du Macroscope)
Le management par projet
La maîtrise de la micro-informatique
La formation aux techniques de créativité (brainstorming, synectique, analyse morphologique, pensée latérale…)
La maîtrise de l’approche dimensionnelle (analyse par quadrant)
Les diagrammes Ishikawa
Les approches de la Sémantique Générale
Participation � des clubs de réflexion
b) Les démarches comportementales
Mise en situation de jeu de rôle ex : Looking Glass avec feed-back structuré
Test MBTI ,
Autoscopie en situation d’exposé et de communication
Entraînement � la négociation
360° feed-back
Coaching
Les approches expérimentales
Exercices type « survie » encadré
c) Les mises en situation organisationnelles
Action learning
Learning expedition
Management de projet
Affectation � un projet environnementaliste
Missionsd’audit spéciales
Mission commando
Mise en place d’un Knowledge management (dictionnaire d’entreprise, best practices, benchmark)
3. Gérer, manager, expliquer les paradoxes et communiquer
Faisons l’hypothèse que les managers sont principalement en situations paradoxales et que c’est désormais le lot commun des dirigeants. Bien que cela ne soit pas pris en compte dans les définitions de mission ou de fonction, et jamais pratiquement au niveau des évaluations annuelles (pas plus d’ailleurs que les efforts de l’évalué en matière de développement personnel ou de ses équipes).
Une première implication consiste pour le dirigeant � savoir se préserver une forte disponibilité, pour pouvoir accueillir les nouvelles situations apparaissant � l’improviste, mais aussi pour pouvoir accompagner ses équipes. L’utilisation courante du courrier électronique peut considérablement aider et faire gagner du temps.
La tâche la plus délicate consiste ensuite � identifier les différentes dimensions de la situation paradoxale, et � tenter de produire une cartographie sur deux ou trois axes. Ceci permet de repérer les différents positionnements problématiques. S’il s’agit d’une analyse en quadrant, il y a en général une position très défavorable � éviter, deux situations moyennes et une situation préférable. Ensuite on positionne la problématique sur ce quadrant et on essaye d’identifier le chemin critique pour améliorer la situation en identifiant les ressources dont on dispose où que l’on pourrait acquérir. La décomposition en dimension structurante n’est pas toujours un exercice facile. Cela exige un certain entraînement. Il en va d’ailleurs de même avec le travail de découpage en lot des projets de façon � pouvoir les réaliser par tâche simple et non par agrégat complexe. Les qualités requises reposent sur la maîtrise des outils d’analyse et de synthèse.
Une fois la carte réalisée, une partie de la tension liée � l’émergence du paradoxe, se dissipe et il est plus facile de mobiliser ses ressources. Par le biais des approches créatives on peut également mieux redéfinir les problèmes en systématisant la recherche de la cause (méthode Kepner-Tregoe, analyse de la valeur) du problème fondamental.
Les problèmes apparaissant vont � leur tour être placé sur une matrice dont les dimensions sont :
- degré d’urgence
- degré d’importance stratégique
Il est clair que le bon sens consiste � s’occuper des questions qui cotent le plus élevé sur les deux dimensions simultanément. Il vaut mieux garder pour soi-même celles qui sont stratégiques et déléguer les autres � un collaborateur. Ce travail fait on a souvent diminué l’impact de la situation paradoxale par deux ou trois et commencé � répartir les tâches pour mobiliser en fonction de l’urgence et de l’intensité stratégique.
Une fois cette cartographie et ce traitement urgentiste réalisé, il convient de communiquer plus largement pour voir si d’autres personnes n’ont pas eu � traiter des parties ou sous-parties de ce problème. Si c’est le cas il faut consulter les sources (d’où l’importance d’un Knowledge management)
4. Les outils organisationnels des situations paradoxales (responsabilisation, décentralisation, formation, délocalisation, management matriciel, par projet ou transverse…)
C’est un des débats les plus importants au sein des organisations, souvent vécu comme un vrai paradoxe :
• Centralisation-décentralisation
• Intégration-différenciation (Lawrence-Lorsch)
Quel dirigeant n’est pas confronté quotidiennement � cette question ?
Dès qu’un problème surgit, la tendance naturelle est de vouloir édicter une nouvelle règle pour éviter que le problème resurgisse ailleurs.
La mise en place de processus communs et procédures communes répond � ce besoin.
Mais aussi le souci de créer une culture commune, une vision commune, un référentiel management identique qui ont amené la création notamment des Universités d’Entreprise. La recherche de la convention d’effort, pour que toute l’entreprise avance ensemble dans la même direction est un des grands sujets des conventions de dirigeants.
L’illusion d’une organisation parfaite, comme celle du manager idéal, envahit la pensée managériale en permanence, avec ses solutions universelles et les effets de mode associés.
La réalité est plus prosaïque. Il faut s’y intéresser en permanence et faire le ménage (ménager ou manager ?) tous les jours.
Souvent les Directeurs Généraux construisent des organisations, des comités de direction qui leur simplifie la vie, alors qu’ils devraient concevoir des organisations qui leur permettent de connaître les problèmes. De les connaître, pas forcément de les traiter.
Dans les principes de délégations ou de responsabilisation, il faut savoir prendre en compte l’environnement dans lequel évolue l’entité concernée, le degré d’évolution de cette entité et le niveau et la qualification de celui � qui on délègue. Il faut aussi définir le niveau de risque que l’on est prêt � prendre. Ces quatre paramètres peuvent évoluer avec le temps. Il faut alors définir des organisations pour des situations courantes, et gérer les exceptions sur un mode � part, en encourageant les responsables � solliciter de l’aide, si possible par anticipation. Ceci doit faire l’objet d’une rubrique de leur évaluation annuelle.
Une telle grille de lecture permet assez rapidement de voir les localisations de l’entreprise qui doivent faire l’objet d’un suivi plus particulier.
Les organisations matricielles ou transverses doivent faire l’objet d’un suivi particulier. Ce qu’il faut surveiller c’est le niveau de flux et d’échanges entre les lignes et les colonnes, entre les cases, les effets de silo ou de PII (pas inventé ici !), les niveaux de coopération et de conflit.
S’il y a surchauffe par suite « d’effet Joule » et de frictions, il faut identifier les raisons. Souvent celles-ci sont le fait d’une compétition interne sur une mission, compétition qui va devenir conflit, et générer des dommages collatéraux. L� aussi une anticipation sur la cohérence des missions est importante. Il est toujours possible de mettre des équipes en compétition, mais il est souhaitable alors de le faire de façon explicite pour éviter le sentiment de manipulation.
Dans le cas de management par projet, si le nombre de projets devient trop important, et si le succès des projets repose invariablement sur quelques personnes, toujours les mêmes, l’effet goulet d’étranglement va apparaitre avec les tensions sur les personnes, donc sur l’agenda et les conséquences sur les délais.
Un tableau croisant les différents projets et leur besoin en ressources fait apparaître ces ressources rares et permet d’anticiper.
Dans tous les cas un management de programme de projets doit être mis en place pour gérer ces interfaces. Le cas du Technocentre de Renault Guyancourt est intéressant � plus d’un titre.
Certains ingénieurs se trouvent dans plusieurs projets simultanément : un véhicule déterminé ex: Mégane, une plateforme ex : M2, un système complexe ex : informatique embarquée, un projet de nouveau système informatique pour tous les véhicules, un projet de coopération avec Nissan…, chacun de ces projets a un chef de projet et va solliciter la même expertise, parfois en même temps. D’où une grande difficulté pour résister � la pression de tous ces chefs de projets dont l’évaluation annuelle dépend de leurs résultats.
Sans un supérieur hiérarchique fort, accompagnant et protecteur, une telle situation de multi sollicitation est difficile � tenir.
Il faut savoir par ailleurs que les différents type de management distingue bien entre le management opérationnel, le manager d’experts, le management de projet, de réseaux, de ressources…chacun faisant appel � des compétences et des qualités différentes.
Depuis déj� quelques décennies l’entreprise a dit adieu � la simplicité. Mais les formations au management sont réductrices, organisées par discipline, avec peu de mécanismes d’intégration et de prise en compte de la complexité.
La relation complexité-organisation n’est pas toujours faite et l’on reste dans le modèle caricatural un problème-une solution. Les travaux de J.March montrent � quel point l’entreprise prend en général la première solution acceptable qui vient, parfois d’ailleurs en « cassant les boucles » et en générant d’autres problèmes.
La suppression de certaines fonctions, ne génère pas que des économies, elle supprime aussi des traitements annexes de problème qui n’étaient pas pris en compte explicitement, mais rendait service. La disparition d’information peut avoir un coût que l’on chiffre en général plus tard.
Dans les fusions-acquisitions, ces questions organisationnelles et ressources humaines sont la plupart du temps négligées par les financiers. Le résultat le plus fréquent est que les synergies attendues ne se font pas, parce que celles-ci sont le fait des organisations et des Ressources Humaines.
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