Un MBA sert essentiellement � accélérer les étapes de sa carrière quand on souhaite ou doit prendre des fonctions managériales généralistes. Ces responsabilités nécessitent l’acquisition de savoirs ou savoir-faire nouveaux, au-del� de la spécialité ou expérience d’origine. EN RESUME UN MBA, QU’EST CE ? Il y a MBA et MBA. L’offre de programmes MBA sur le marché est saturée. C’est P. Lorange, doyen de la prestigieuse IMD � Lausanne, qui le dit (EFMD, Madrid, 2004). Certes, il y a les grandes institutions, celles dont les noms sont sur toutes les lèvres et qui se retrouvent dans tous les palmarès des grands journaux économiques. Celles l� n’ont pas de problèmes pour recruter de bons étudiants et de bons enseignants. Mais il y a aussi tous les autres. Il n’est pas jusqu’au moindre institut de formation qui ne se targue d’avoir un MBA. Il peut être full time et plutôt junior, ce qui veut dire dans le jargon qu’il est � temps plein — 12 ou 18 mois — et peu exigeant pour le nombre d’années d’expérience professionnelle requis � l’entrée. Il peut être part time, c'est-� -dire � temps partiel, en week-end, en semaine bloquée, ou suivant toute autre formule pédagogique originale s’adaptant � l’emploi du temps des participants et permettant de ne pas interrompre son contrat de travail, utilisant ou non les nouvelles technologies et notamment le e-learning. Il existe aussi des executive MBA, plus exigeants en nombre d’années d’expérience (environ sept années requises). On trouve également des distance learning MBA, dont certains sont excellents et fort avantageux. Ils permettent de démarrer le programme quand on le souhaite, autorisent des suspensions d’un ou deux semestres, facilitent les carrières fortement mobiles et notamment internationales, et offrent � la fois un bon enseignement et une grande souplesse. Il n’est pas inutile de se poser la question de la pertinence de ce type de formation � l’heure où même les institutions les plus prestigieuses ont des difficultés � remplir leurs promotions de MBA. Des discussions récentes amènent quelques doyens de Business Schools réputées � envisager de fermer leur full-time MBA, pour ne garder que leur part-time executive MBA , la formule réservée � des candidats post-expérience, dont le positionnement sur le marché est plus clair. Il existe plus de cinquante programmes sous la dénomination MBA, en France uniquement, et cette profusion engendre une certaine confusion. Certaines institutions envisagent même d’appeler MBA leur programme de type ESC en rajoutant � cette confusion. Un certain accord existe néanmoins au niveau de la profession (EFMD « MBA guidelines ») pour réserver cette dénomination � des programmes post-expérience. Il existe également une offre abondante de Masters ou Mastères spécialisés (Masters of Science) dans les différentes disciplines de gestion. Ceux-ci s’inscrivent dans la directive de Bologne L-M-D, licence–maîtrise-doctorat, post-bac (3-5-8), alors que le MBA ne s’y rattache pas. Souvent d’ailleurs dans les Business Schools le MBA est considéré comme faisant partie de « Executive Education », c'est-� -dire de la formation continue. Le niveau de diplôme exigé � l’entrée dans ces différents programmes varie sensiblement d’une institution � l’autre. La règle est que le postulant soit déj� muni d’un titre universitaire de niveau M (par référence � la déclaration de Bologne . La formation initiale classique d’un postulant est souvent scientifique ou économique, moins souvent littéraire. Il a travaillé de cinq � sept ans, son âge moyen se situe entre 30 et 35 ans. Il doit par ailleurs avoir une excellente maîtrise de l’anglais (TOEIC 850). D’autres tests peuvent être requis comme le GMAT, ou le TAGE-MAGE. Dans certains cas, des entretiens sont organisés pour trier sur des critères de personnalité. Choisir un MBA, faire les démarches, trouver un financement, convaincre son conjoint et son employeur, prend environ deux ans. Un financement Fongecif est difficile � obtenir, car les frais de scolarité sont élevés. Caveat emptor : qu’il se méfie l’acheteur d’un MBA ! Le marché est riche d’embûches, et on ne saurait trop recommander de s’informer, de participer � un MBA forum dans une grande ville pour s’initier � un investissement qui, une fois fait, ne sera pas substituable, et est cher, de 15 � 25 000 € pour les seuls frais de scolarité. Outre la qualité de la formation des grandes institutions, le véritable bénéfice d’un bon MBA est le réseau des anciens élèves de l’école considérée. Les grands employeurs se presseront, avant même la sortie, pour offrir aux meilleurs des salaires impressionnants, représentant de conséquentes augmentations en comparaison des salaires d’entrée. C’est d’ailleurs une des justifications � un tel investissement. Les grands cabinets de conseils, les grands établissements financiers, les grands groupes internationaux, sont les principaux recruteurs. Ce n’est cependant pas le cas pour les diplômés des institutions modestes. Pour donner un ordre de grandeur, il existe une trentaine de MBA internationaux de grande qualité de par le monde, une cinquantaine d’autres excellents, et sans doute plus de 1 000 autres fort modestes. Les institutions ayant passé avec succès les différentes accréditations, AACSB (États-Unis), Equis (Europe EFMD) ou AMBA (Royaume-Uni) sont � regarder de plus près. Pour celles qui n’ont aucune accréditation, la majeure partie ne mérite pas qu’on s’y arrête. Ces accréditations garantissent la qualité des institutions qui délivrent ce diplôme : qualité du corps professoral, de la recherche, des moyens mis en œuvre (système d’information, équipements, bibliothèque), des réseaux internationaux, des éventuels échanges internationaux etc. La plupart des contributeurs de cet ouvrage sont issus d’institutions accréditées. Souvent les entreprises hésitent � financer un programme � temps plein, même si le candidat est prêt � y participer, car le risque est élevé qu’une fois diplômé, le chant des sirènes soit plus fort chez un autre employeur (progression de carrière plus rapide, salaire et bonus plus importants, stock-options, etc.). Une certaine pénurie de talents internationaux crée cette demande. Un MBA de qualité va demander, outre l’investissement financier, un investissement personnel important. Un programme temps plein représentera environ 60/70 heures de travail par semaine. Le MBA � distance demande dix heures hebdomadaires de travail personnel, souvent isolé, avec la possibilité d’un tuteur asynchrone, en plus de ses heures de travail, pendant deux � trois ans. Le profil minimum d’un bon programme MBA: • un diplôme d’une institution qualifiée si possible accréditée; • un corps professoral dédié de haute tenue, enseignant généralement en anglais ; • un recrutement approprié : un mode de sélection fiable, un panel varié d’expériences, et un mix de participants présentant tous maturité, goût du travail et bon équilibre personnel ; • une ingénierie pédagogique soignée avec intégration des disciplines ; • une pédagogie adaptée et variée : contenu théorique et méthodologique, cas, travaux de groupe, études de terrain, action learning, jeux de simulation ; • des moyens matériels de qualité ; • des opportunités de placement dans des entreprises renommées. QUELQUES ELEMENTS CRITIQUES SUR LES PROGRAMMES ET LA PEDAGOGIE MBA Comme partout, le succès est un poison : il génère outrance, arrogance, et intolérance. Certaines qualités ne se transmettent pas par la formation : leadership, intelligence, bon sens, réalisme, ouverture d’esprit et encore moins qualité d’écoute et d’observation, voire courage, en principe toutes vertus cardinales pour les dirigeants. Henry Mintzberg, professeur � l’université McGill, sociologue célèbre pour ces travaux sur le management et qui a enseigné dans les plus prestigieux programmes MBA, porte une critique fort sévère sur les MBA et leur décalage par rapport aux besoins réels de l’entreprise.( voir son ouvrage : Developing Managers not MBAs) LES POINTS D’OMBRE DE NOMBREUX MBA La dimension transverse et systémique Les corps professoraux des business schools sont issus de programmes doctoraux disciplinaires spécialisés (marketing, finance, économie, gestion, stratégie…). Obtenir un doctorat exige des efforts personnels conséquents. Se maintenir dans sa discipline, publier, nécessite un réel effort personnel. Développer en sus sa consultation pour rester au contact de la réalité des entreprises, ajoute � la pression que vivent les enseignants. Cela leur laisse peu de temps pour batifoler dans les champs disciplinaires voisins, et risquerait d’ailleurs de donner l’impression de dispersion… Les approches pédagogiques sont donc essentiellement disciplinaires, sous forme de silos ne communiquant que peu entre eux. Elles donnent l’impression que l’entreprise est une collection de fonctions et non un ensemble organisationnel intégré. L’apprentissage de la complexité, du paradoxe, du stress et de l’anxiété Même si la pédagogie par les cas est une innovation pédagogique ( Law School de l’université de Harvard, et repris en 1945 par la Business School puis désormais généralisée ), un Cas n’est pas la réalité. Utilisé auprès d’étudiants sans expérience, le résultat est au mieux une paraphrase sans grand intérêt. Pour que l’approche du cas produise son effet, il faut que les participants puissent se projeter dans la situation et assurer ensuite le décodage leur permettant de retirer du cas les enseignements qui se rapportent � leur environnement. Il n’existe pas de manière simple d’enseigner ou de faire vivre les situations complexes et paradoxales que vivent les dirigeants d’entreprise. Ce sont des expériences difficiles � reproduire dans un programme, au risque de déployer une pédagogie manipulatrice. Traiter un problème sous contrainte de temps et de moyens, sans les informations nécessaires, est le lot quotidien des dirigeants ; reproduire cette situation en enseignement est délicat. Des jeux de simulation le permettent, mais ils ne peuvent constituer l’essentiel de la pédagogie. La dimension anthropologique et organisationnelle Les entreprises sont d’aborde des groupes d’hommes et de femmes, associés dans une œuvre commune. La culture propre de l’entreprise, les rites, les systèmes de communication et de récompenses, les hiérarchies, les réseaux formels ou informels, les transactions relèvent d’une approche typiquement anthropologique. Cette dimension fait défaut dans les programmes de management, qui se concentrent souvent sur les techniques instrumentales au détriment des problématiques organisationnelles. Une bonne connaissance des NTIC, des SI et de la supply-chain Rares sont les MBA dans lesquels l’accent est mis sur les nouvelles technologies, il faut connaître les aides qu’elles apportent � la mise en œuvre d’une stratégie — ainsi que leurs limites. Les systèmes d’information, les approches process et supply-chain, sont peu étudiés. La gestion de soi en situation de tension et le leadership Quelques MBA proposent de passer le MBTI (test Myers Brigg) qui classe les individus en seize catégories de personnalité. Cette approche peut représenter un début de prise de conscience de ses propres modalités de fonctionnement. Certains programmes proposent le 360° feed-back, qui améliore la connaissance de soi, par le biais du regard d’autrui. La dimension du leadership devenant un enjeu dans les grandes entreprises, les processus de développement personnel nécessiteraient d’être accrus dans ces programmes. Le courage s’enseigne-t-il ? La question devient pertinente lorsque le politiquement correct envahit l’entreprise. La prise de recul Parfois les solutions deviennent des problèmes quand l’outil est mis avant la finalité. Tout ressemble � un clou pour un enfant qui a un marteau. Observation et bon sens sont sensés être un acquis de fait, comme une certaine culture générale, la politesse, l’éthique… Les médias nous démontrent assez quotidiennement que ces qualités ne sont pas partagées par tous les dirigeants. Le rôle des managers est de plus en plus complexe, les savoir techniques ne sont plus suffisants. Il faut aussi observer, écouter, interpréter, orchestrer, animer, faciliter, communiquer, conduire. POURQUOI UN LIVRE INTITULE MBA ? Cet ouvrage est en fait un livre « solfège ». Il ne se substituera pas � l’investissement d’un vrai programme. Il a pour mission de donner les fondamentaux conceptuels et quelques sons harmoniques circonstanciés. Il s’adresse � ceux qui pour le moment n’ont pas le temps ou les moyens de faire un MBA et qui sont confrontés � des situations qui nécessitent de comprendre le vocabulaire et les principales méthodologies des managers généralistes. Aucune des disciplines de gestion n’est difficile en soi. Aucune des techniques de l’entreprise n’est impossible � acquérir individuellement. Cinquante heures de cours en marketing, en finance, ou en gestion permettent de comprendre 60 % des questions rencontrées. Il faut sans doute un peu plus de temps pour les RH, les questions d’organisation, les SI ou la logistique. Le plus délicat réside dans l’intégration de ces divers champs et le fait que toutes les décisions ont des effets réciproques et combinées. Mais, pour cela, il n’y a pas vraiment de recette, car c’est un travail d’appropriation individuel, ce qui laisse des chances � tous, les intuitifs, les déductifs, les créatifs, les analytiques, les primaires, comme les secondaires. Les questions disciplinaires académiques ont progressé dans la convergence, comme dans la plupart des secteurs scientifiques, pour créer des savoirs nouveaux. L’entreprise avance dans la transversalité et la divergence pour inventer des solutions simples et pragmatiques � des problèmes complexes. Le manager est un conducteur avisé. Il connaît les rudiments de la mécanique ; il sait lire les indications et juger de leur criticité ; il connaît sa destination, sait lire et interpréter une carte, connaît le code de la route, peut apprécier sa position, définir des alternatives si les conditions le demandent (trafic, état des routes, situation météorologique, situation des passagers…). Le MBA est une sorte de permis de conduire de l’entreprise. Comme lui, il dit ce qu’il vaut mieux faire et ce qu’il ne faut pas faire, mais il ne dicte pas les comportements ou les décisions. Que faire dès lors que l’on n’a pas les pré-requis, le temps, l’argent ou le soutien nécessaire pour suivre un MBA de qualité, alors même que l’on ressent le besoin de compléter sa formation ? Cet ouvrage tente d’y répondre, en apportant le vocabulaire et des approches pertinentes qui montrent de quelle façon ces questions sont traitées dans un MBA. Les différents chapitres de l’ouvrage permettent de s’approprier les fondamentaux — en gros, comment ça marche et quels sont les principaux indicateurs qu’il faut surveiller —, et de creuser quelques problématiques qui nous paraissent particulièrement cruciales dans l’économie d’aujourd’hui.