Mastering Executive Education The IMD Guide FT Prentice Hall L’ IMD de Lausanne nous fournit régulièrement des ouvrages de grande qualité sur la formation au Management. En 2002 Peter Lorange, son Directeur, publiait New Vision for Management Education, Pergamon, véritable feuille de route de progrès de tout Doyen et Directeur de Business School. Aujourd’hui l’ouvrage coordonné par Paul Strebel et Tracey Keys , tous deux professeurs à l’IMD, nous offre le pendant pour la formation des dirigeants. Il s’adresse non seulement à tous leurs collègues d’écoles de management et aux consultants, mais aussi à tous les responsables de formation et autres directeurs d’Universités internes d’entreprise. L’objet principal se centre sur le souci d’améliorer la qualité des programmes et actions de développement destinées aux managers en répondant aux questions suivantes : - quels sont les principes d’apprentissage spécifiques des dirigeants et managers - quels outils particuliers sont mieux adaptés à ces actions et comment les dessiner - quelles scénarisations d’acquisition de nouvelles connaissances sont plus efficaces - comment s’assurer de la pertinence et de la rentabilité des actions engagées - comment relier efficacement stratégie et formation des dirigeants L’expérience remarquable de l’IMD, au travers de quelques 150 partenariats d’entreprise et des dizaines de milliers de participants du monde entier à leurs séminaires, donne à cet ouvrage une tonalité exceptionnellement riche en exemples de qualité et de véracité. Les professionnels devraient faire leur miel de cette somme de recommandations. Les Principes Mais d’abord un constat, les adultes n’apprennent pas comme les plus jeunes. Dans la même école de management, il faut distinguer pédagogie et andragogie. La première s’adresse aux étudiants de formation initiale, la seconde aux adultes expérimentés. Il est rare d’avoir des enseignants susceptibles de maîtriser simultanément les deux, ce qui est, notons le au passage un des enjeux des Ecoles de Management en France. La première approche est plutôt cognitive, la deuxième plus expérientielle et contextualisée. L’adulte expérimenté a par définition des bases de connaissance structurées, voire cristallisée. Apprendre va alors signifier d’abord désapprendre. Cette décristallisation est psychiquement coûteuse, car elle implique une forme de remise en cause intime, un deuil, associé souvent à des angoisses et frustrations, sans parler de la mobilisation des mécanismes de défense. « Je sais donc je suis ». Si « je ne sais plus, je ne suis plus ». La reconstruction passe par plusieurs phases, un peu comme les mécanismes de changement. La vie en entreprise nous impose un rythme continu de transformations et nous mettons beaucoup d’énergie à nous y opposer. Il faut donc trouver une autre voie (cf tableau) si nous voulons nous adapter et assurer une pérennité dynamique. Le rôle des émotions. Ce sont les émotions comme le nom l’indique, qui nous font bouger. Colère, confusion, surprise lorsque nous constatons que notre environnement a changé et s’impose à nous, malgré nous. Il faut alors mobiliser nos ressources, notre énergie pour nous adapter et redéfinir nos objectifs et nos modalités de fonctionnement. L’anticipation, la curiosité, la détermination nous aident dans cette mobilisation. L’espoir, la confiance nous permettent de mettre en œuvre cette créativité d’adaptation et de reconstruction. Puis à nouveau il faut savoir faire face à quelques frustrations ou angoisses, voire désillusions lorsque nous devons mettre en oeuvre notre nouveau projet, nos nouvelles idées et les ajuster à notre environnement. Le changement est aussi notre propre transformation (La porte du changement s’ouvre de l’intérieur !) Cette démarche est associée à d’autres constats. C’est l’apprenant qui a la responsabilité de créer la valeur ajoutée, le résultat. Les intervenants ont une responsabilité d’engagement et de mise en œuvre de moyens. Ils doivent créer un environnement propice, à base de dynamisation et d’entraînement, de facilitation, d’accompagnement et de conseil. Ce transfert d’énergie peut s’opérer de multiples façons : écoute, empathie, improvisation, simulation, débat... Avec les adultes il faut savoir panacher et varier les approches. Tableau La mise en contexte Il faut aussi s’assurer que les différentes acquisitions se resitueront dans leur contexte, car si les approches cognitives conceptuelles et généralisantes conviennent aux moins expérimentés, l’adulte a besoin de savoir à quoi sert ce qu’il apprend, comment il va s’en servir efficacement et quel en est le bénéfice pour lui, pour son travail. En ce sens travailler sur de vrais problèmes est un atout. Pour mémoriser ces nouveaux apports, rien de tel que de les associer à des sensations, des vécus sensoriels, ou expérientiels, des sentiments qui les imprimeront définitivement dans notre souvenir. Apprendre est une expérience multidimensionnelle. Le scénario Pour les intervenants, les auteurs recommandent de préparer des scénarios. Même si en cours de route il faut les abandonner. Ceci permet de mieux définir les cibles, les outils, et d’identifier quelques moyens. Assortir le fond et la forme avec l’auditoire est capital. Les ingénieurs dans l’automobile n’ont pas tout à fait les mêmes styles d’apprentissages que les managers de la grande distribution. « Le véritable objectif de l’éducation, n’est pas le savoir, mais l’action » (H.Spencer 1820-1903). Dans les dimensions de l’apprentissage nous trouvons : - la cognition (cours, conférences, lectures, analyse et étude de cas, e-learning…) - les émotions et les expériences (diagnostic, échanges, observations, coaching) - l’action (cognitive et émotionnelle : simulation, scénarios, jeux de rôle, action learning, voyage de découverte…) Une démarche classique débute par l’identification des besoins, la définition des cibles, des acteurs, le dessin du programme, le choix des prestataires, l’engagement de l’action, le traitement des sujets, l’évaluation et le retour d’information sur la valeur réelle du programme. Les protocoles Les auteurs nous proposent des protocoles détaillés pour améliorer les approches pédagogiques : - écrire un cas d’entreprise - réaliser une vidéo de qualité - développer l’entrepreneurship - les différentes approches du leadership - le coaching - l’accompagnement de projet en formation de dirigeants De nombreux exemples et idées sont évoqués comme d’ailleurs les pièges classiques. Puis les auteurs abordent des questions d’actualité dans les préoccupations de changement de l’entreprise : la scénarisation d’une approche multiculturelle, les nouvelles technologies, la gestion de projet en groupe de formation, le leadership dans les programmes outdoor, la simulation de négociation, le transfert des travaux réalisés dans l’environnement de travail, la consultance pour apprendre, les voyages de découverte. Un exemple : l’action learning L’action learning, pratique qui intéresse de plus en plus les entreprises pour de multiples raisons, mérite qu’on s’y attarde. Ce chapitre, qui est l’œuvre de Xavier Gilbert, véritable pilier de l’IMD, avec l’aide de Rhoda Davidson, traite des préoccupations qui reviennent quand on aborde ces modalités dans les programmes de dirigeants. Les points clefs en sont : le choix des sujets, la mise en scénario d’apprentissage, la constitution des équipes, le travail des équipes, à distance ou en réunion,la relation avec les sponsor, le choix des facilitateurs accompagnants. Il ne suffit pas en effet d’obtenir une liste de sujet du Comité de Direction et les confier à des groupes de dirigeants en formation pour avoir des résultats satisfaisants. Un bon projet c’est d’abord c’est d’abord un projet qui concerne l’entreprise et par exemple : - définir une nouvelle stratégie pour une unité - redresser une activité en difficulté - mettre en œuvre et déployer une stratégie - transformer en mobilisant et communiquant - développer une nouvelle activité - s’adapter à un changement majeur d’environnement Pour tous ces projets le critère de l’alignement avec la stratégie de l’entreprise est fondamental. Les équipes doivent s’engager à livrer des résultats tangibles pour avoir visibilité et crédibilité et pour démontrer leur efficacité. Il faut savoir éviter les projets filandreux, politiques, trop en avance sur leur temps, trop intellectuels et sans enjeux réels. La première phase du scénario doit couvrir les thèmes suivants : redéfinition du projet, appropriation par l’équipe, mobilisation des ressources et définition du planning avec affectation des responsabilités au sein de l’équipe, puis une revue de la préparation du projet, et enfin l’organisation du travail concrètement : les phases de recherche d’information, la consultation d’experts, les interviews de clients, les bases de données.. Constituer une équipe projet doit répondre à trois enjeux : la diversité des membres, les attentes des participants, le choix ou non d’un leader. Le sponsor a un rôle capital. Il est préférable qu’il fasse partie du Comité de Direction. Il faut donc le choisir avec soin. C’est le rôle du Directeur des Ressources Humaines d’expliquer en Comité de Direction ce qu’on attend du sponsor. Il doit ensuite travailler avec l’équipe projet, les aider à préparer le dossier. L’équipe doit se mettre d’accord sur l’objectif, lever les ambiguïtés, définir les priorités et les livrables. Le rôle du sponsor peut varier en allant de simple client à celui de médiateur voire de patron du projet. Enfin le choix d’un intervenant accompagnateur prend toute son importance suivant les capacités du groupe. Sa tâche sera de suivre le travail, de réaliser les apports méthodologiques indispensables, de rappeler les consignes, de s’assurer que les réunions se tiennent, de faciliter en cas de difficulté, de faire répéter la présentation des résultats, pour la rendre tonique et convaincante face à un comité de direction. Les avantages de cette approche sont multiples et les entreprises ne s’y trompent pas. En premier chef on fait traiter un sujet d’importance par des managers de l’entreprise. Donc on témoigne de la confiance et on mobilise. Au passage on réalise des économies de frais de consultants externes. Ensuite on qualifie des personnes sur des sujets différents et en les faisant travailler en groupe d’origine diverse, on crée des réseaux transverses collaboratifs et des passerelles pour de futurs échanges de bonnes pratiques. On traite une question délicate en restant dans les pratiques et dans l’alignement de la stratégie de l’entreprise, ce qui naturellement en facilitera le déploiement. Les préconisateurs et les acheteurs de la solution seront souvent les mêmes personnes. On diminue donc considérablement la résistance au changement, et on réduit d’autant les temps de mise en œuvre. Enfin au passage on identifie dans le groupe au travail de futurs leaders pour le projet étudié. Les bénéfices sont donc particulièrement tangibles. La question du retour sur investissement de la formation ne se pose dès lors plus. Pour conclure, outre la reconnaissance naturelle que l’on doit aux équipes de l’IMD pour leur contribution à cette profession récente de Responsables de Management Development, ou d’Executive Education, cet ouvrage démontre une fois encore, et le rappeler n’est jamais de trop, que l’avenir de l’entreprise dépend des talents qu’elle saura acquérir, garder, et développer en fonction de ses besoins. Ce livre est dédié à ceux qui en ont la charge. « Apprendre n’est pas une obligation, ni survivre d’ailleurs » Deming