1 Chapitre 5 : Comprendre les challenges des managers et des leaders Dans nombre des entreprises françaises les dirigeants actuels ont rejoint l’entreprise dans les années 70 –80 et sont progressivement montés dans la hiérarchie grâce à leur loyauté et à leur capacité à répondre aux besoins de l’époque. Ils sont aujourd’hui désorientés par la complexité de l’environnement, les changements stratégiques brutaux et surtout leur manque de compréhension de l’organisation. On ne saurait leur en faire reproche. Nombre de positions intermédiaires de management ont été supprimées dans l’effort de raccourcir la ligne de commandement, leurs équipiers, plus jeunes, ont des attentes différentes, ils ont la bougeotte. Aujourd’hui nombre de managers opérationnels ont le sentiment d’être dépassés par l’ensemble des demandes qui leur sont faites, demande de dynamisation d’équipe, de transmission des messages de la direction, demandes d’innovation, de partage avec d’autres fonctions, de coopération dans des équipes plurinationales, pluri entreprises, demande pressante de réduction des coûts, il faut tout faire en même temps, une chose et son contraire. De plus, dès la cinquantaine, ils subissent ce que des chercheurs ont intitulé le « syndrome de fin de vie professionnelle », ils n’ont que peu d’espoir d’évolution, de promotion, les formations leurs sont souvent distribuées chichement. Dès lors nombre d’entre eux font leur travail mais sans plus. Certes les plus jeunes assureront la relève mais on sait que ces classes d’âge seront moins nombreuses. De plus les jeunes ingénieurs et professionnels sont parfois réticents à évoluer vers des positions de management, ils voudraient conserver leur expertise et leur technicité et ne sont que moyennement intéressés par les responsabilités liées aux positions de management, chrono phages et stressantes. Elles sont vécues comme demandant des sacrifices personnels importants et apportant peu de gratifications. Nous mentionnions dans les pages précédentes l’importance de la valeur du « capital humain » dans la performance de l’entreprise, soyons persuadés que l’un des facteurs déterminants dans cette mise en valeur est la qualité du management opérationnel, en un mot de ce que l’on appelle communément le middle management. Car la qualité du management des hommes à une influence directe sur la performance de l’entreprise et sur sa capacité à attirer et retenir des talents. L’enquête menée par McKinsey en 2000 auprès de 6500 managers des 35 plus grandes compagnies aux US démontre à l’évidence l’impact d’un piètre dirigeant sur la performance individuelle d’un collaborateur, la capacité de ce dernier à progresser dans l’entreprise voire son désir d’y rester. (Le coût d’un mauvais patron : Etude Mc Kinsey sur 6500 managers dans 35 grandes entreprises US 58% des managers (seniors et middle) disent qu’ils ont eu à travailler pour un mauvais patron. Cela les a affectés de la façon suivante : - les a empêchés d’apprendre pour 76% - à gêné le développement de leur carrière pour 81% - a limité leur contribution aux résultats pour 82% - leur a donné envie de quitter l’entreprise pour 86% ) Il y a dans les entreprise nombre de managers incompétents voire ce que Robert Sutton appelle vulgairement les « sales cons »(sic) (1) qui ont du mépris pour leurs collaborateurs, les dévalorisent sans arrêt, ne cherchent absolument pas à les développer, mais plutôt à exploiter leurs compétences sans jamais reconnaître leur contribution . Lorsque l’on pose la question à un amphi de cadres : « qui a déjà travaillé pour un de ces managers ? » plus de 50% des mains se lèvent. Mais il faut aussi reconnaître que le métier de manager est de plus en plus difficile 1.1 Qu’il est difficile d’être un bon manager ! A lire les référentiels de compétences de managers utilisés par les cabinets spécialisés et servant de base aux enquêtes du type 360°, on est frappé par la multiplicité d’attentes de rôles pour les managers. C’est un faisceau de compétences rarement présentes simultanément chez un seul homme, la liste est longue et s’accroît tous les jours. Et, pourtant les entreprises font comme si ces moutons à 6, 7 ou n pattes existaient. Les compétences dont le manager des entreprises modernes a besoin répondent à la diversité des rôles qu’il doit assumer :  Rôle de décideur  Rôle d’optimisation des ressources  Rôle de capitaine d’équipe  Rôle d’intrapreneur  Rôle de communication ascendante, descendante et latérale  Rôle de membre d’équipes projet transverses  Rôle de stratège Ces rôles deviennent de plus en plus paradoxaux et multiples lorsque l’organisation se complexifie accompagnant une stratégie de conquête ou de domination. Au niveau de complexité le plus élevé, non seulement les rôles sont multiples mais aussi et surtout il faut un nombre plus important de managers pour gérer ces complexités et ces changements rapides. Passons en revue ces différents rôles et compétences. 1.1.1 Le manager décideur Avec la complexité et la turbulence, il n’est plus envisageable de faire remonter les décisions difficiles, la hiérarchie, de plus en plus plate, en serait engorgée. Ces décisions doivent être prises au niveau opérationnel et on ne peut que s’en féliciter. Cependant ces décisions peuvent entraîner des risques considérables pour l’entreprise, on se souviendra longtemps de ces traders qui prennent des position à contre pied des marchés financiers avec des expositions de milliards d’euros, de ces contrats signés qui conduisent à des catastrophes financières en exposant l’entreprise par des crédits fournisseurs extravagants ou des engagements pris qui se traduiront immanquablement par des pénalités de retard gommant toute marge. Face à de telles conséquences des mesures organisationnelles sont crées pour avoir des filets de sécurité tels que les « risk assessment committees » mais il n’en demeure pas moins que ce sont les managers opérationnels qui doivent décider et la haute hiérarchie ne doit intervenir que dans des cas exceptionnels. Même lorsque la décision implique l’accord entre plusieurs unités c’est aux responsables d’unités, entre eux, à trouver les moyens de l’accord, la Direction Générale est souvent largement incompétente pour prendre une bonne décision c’est à dire une décision acceptée par les différentes parties. En cas d’intervention de sa part cela aura pour conséquence de transformer un problème de business en problème de politique interne et c’est en fait plus coûteux. Prendre des décisions lourdes de conséquence, lorsque l’on ne maîtrise pas toutes les informations, que l’on ne connaît pas forcement les relations de cause à effet et qu’il n’a pas consensus entre les différentes parties prenantes, demande la encore des compétences particulières : Compétences d’analyse, de résolution de problème en groupes souvent pluriculturels  Savoir anticiper, mesurer les risques, prendre des risques à bon escient  Savoir coopérer, identifier des jeux gagnant-gagnants  Savoir persuader  Créer la confiance En somme ce qui faisait auparavant la spécificité de compétence des dirigeants doit être de nos jours largement partagée par un grand groupe de managers, et ils n’y sont pas toujours préparés. C’est certainement une des sources du stress de cette population. 1.1.2 L’optimisateur de ressources En nommant une personne manager on lui confie un certain nombre de ressources, des actifs, des moyens financiers, le personnel nécessaire à la réalisation de sa mission. Une des attentes de rôle fondamentale c’est qu’il optimise ces ressources. Ce n’est certainement pas faire un acte de management que de dépenser en fin d’année le reliquat non utilisé du budget, sur des actions peu nécessaires, afin d’éviter que le budget ne soit réduit l’année suivante. Un manager qui est soucieux de la bonne utilisation des ressources ne saurait accepter que la productivité soit faible dans certains secteurs ou que le personnel ne dispose pas moyens pour réaliser de façon efficace son travail. Pour cela il lui faut comprendre les données de la comptabilité analytique, maîtriser les calculs de coûts, savoir élaborer et suivre un budget, voire comprendre les mécanismes de la création de valeur, des besoins en fond de roulement (working capital) car c’est ainsi qu’il contribuera à créer de la valeur pour l’actionnaire. 1.1.3 Le capitaine d’équipe C’est l’un des rôles les mieux connus du manager ce qui ne signifie pas qu’il soit accompli avec succès. On sait que c’est important mais si l’on regarde le temps passé à la création d’une véritable équipe et à son animation, il est souvent mineur dans les faits. Trop souvent les relations humaines sont considérées comme essentiellement des relations inter personnelles et la meilleure traduction en est certainement les organigrammes qui réduisent tout à des relations de subordination entre les personnes. Lorsque chacun travaillait de façon indépendante avec le plan comme élément de coordination, c’était encore possible (bien que tous ceux qui ont eu l’expérience de la vie en entreprise savent que ceci soit fortement réducteur) mais aujourd’hui où l’interdépendance est réciproque ou le succès de chacun dépend largement des autres c’est simplement inapplicable. Le manager opérationnel doit animer l’équipe en tant qu’équipe, dans le cas des responsables de projet, c’est même la nature de leur tâche que d’animer des équipes composées d’individus qui relèvent de plusieurs départements et de différents supérieurs hiérarchiques. Le bon capitaine d’équipe crée un sentiment collectif d’appartenance, de confiance mutuelle, une communauté d’objectifs et une convention d’effort entre les membres qui échangeront des connaissances. Il permet de faire baisser les coûts de transaction entre les membres. Il alloue les responsabilités clairement tout en faisant en sorte que si l’un d’entre eux éprouve des difficultés il soit aidé par les autres. Il élimine les obstacles, fournit les ressources et les informations nécessaires pour réaliser la tâche et mesure les progrès. Il est au service de son équipe et s’assure qu’elle a les moyens pour réaliser la tâche. Il coach l’équipe, évalue correctement les zones de progrès et fournit un feed-back aux personnes pour qu’elles améliorent leurs performances. Il fournit des objectifs ambitieux, réalistes et les fait partager par les membres de l’équipe. Enfin il dirige avec courage et traite les cas difficiles de non performance et de blocage de l’équipe. Il prend en charge les coups durs et distribue les éléments de satisfaction en renforçant la cohésion. Il ne s’approprie pas les succès, il les partage. Il protège son équipe de trop de stress et d’anxiété, et prend sur lui la dimension paradoxale et parfois sombre de sa mission, pour éviter de créer un climat délétère. Il est disponible et écoute ses collaborateurs. Etre un capitaine d’équipe nécessite des compétences dans nombre de domaines. Compétences de coordination des tâches, d’animation, de mobilisation et de motivation. Le capitaine d’équipe doit avoir une double préoccupation comme le soulignait Mac Gregor il y a plus de 40 ans, être centré sur la tâche et sur les gens, avoir une intelligence émotionnelle aussi développée que son intelligence cognitive, sans oublier un quotient de vitalité de qualité pour pouvoir faire face aux urgences. 1.1.4 Le manager courroie de transmission La communication est sans doute un des motifs de frustration dans les entreprises complexes où justement la performance est largement fonction de la qualité de la communication entre les fonctions, produits, de la communication ascendante et descendante. Nous ne connaissons pas d’entreprise où la communication soit jugée satisfaisante : Il y a un manque ressenti de communication, on apprend souvent par la presse des informations sur sa propre entreprise, et en parallèle il y a abondance d’informations non pertinentes. Les sites intranet sont pléthoriques et on peut passer la journée à rechercher l’information importante. La Direction Générale est également frustrée de voir ses messages peu ou mal relayés par la ligne hiérarchique et ceux-ci se perdent telle l’eau dans les sables. C’est certainement au niveau du management opérationnel que se situe une des clés du succès de la communication. Mais communiquer ne signifie pas transmettre purement et simplement, les messages de la direction tels qu’on les à soi même reçus. Pour qu’il y ait compréhension, et donc qu’il y ait un impact, il faut transformer et approprier les messages pour leur donner un sens pour les interlocuteurs. Un réseau de communication comprend outre les émetteurs, des relais, des amplificateurs qui régénèrent le signal et seul le manager opérationnel peut jouer ce rôle. Il faut que le manager soit un relais de communication entre la direction et son équipe et entre son équipe et la direction, entre ses équipes et celles des autres unités avec lesquelles il travaille. Il importe de comprendre les préoccupations des uns et des autres, leur culture propre pour que cette communication soit porteuse de sens. Il faut aussi parfois gérer les incompréhensions et les conflits d’intérêt qui sont des blocages rédhibitoires à une communication fluide et ouverte. Etre un manager communiquant nécessite des compétences en matière de gestion de l’information, mais aussi des qualités d’écoute, la compréhension des difficultés de la communication entre différentes cultures : cultures nationales mais aussi professionnelles et cultures d’entreprises. Communiquer c’est enfin savoir de créer des réseaux fondés sur la confiance réciproque à travers l’organisation, et gérer au mieux des conflits. 1.1.5 Le manager intrapreneur On demande de plus en plus aux managers d’entreprendre, de développer de nouvelles approches qui améliorent la performance, et créent de la valeur pour le client. Il lui faut questionner la façon habituelle de faire les choses, expérimenter et surtout ne pas attendre que la hiérarchie autorise toute modification même mineure, il faut prendre l’initiative. Le supérieur hiérarchique doit encourager les idées nouvelles de ses collaborateurs et l’expérimentation, même s’il y a une part de risque dans toute nouvelle entreprise. Nous avons souvent assisté dans des séminaires de management développement à des discussions sur l’initiative, entre des jeunes cadres et le PDG, ce dernier regrettant un déficit d’entrepreneurship de la part des managers et les jeunes se plaignant du blocage de leurs idées par leur hiérarchie. C’est souvent à ce niveau intermédiaire que se situent les points de blocage des changements vraisemblablement, parce que le management intermédiaire a plus à perdre qu’à gagner des changements. Parfois les PDGs dans ces discussions finissent par dire : « si vous êtes persuadés de la justesse de vos idées et que votre hiérarchie n’accorde pas l’attention nécessaire, montez d’un cran, parlez en à votre n+2 ». Ils encouragent ainsi le court circuit au grand étonnement des jeunes managers, et mécontentement de la ligne hiérarchique. L’abus de ce modèle peut générer un management paradoxal voire pervers où, comme c’est le cas dans une grande entreprise de distribution « on encourage les rebelles », mais on les sanctionne aussitôt après. Un juste compromis est dans la bonne utilisation et gestion des « boites à suggestion » comme c’est le cas dans l’automobile et notamment chez Renault. Etre intrapreneur nécessite des compétences de créativité, mais aussi de compréhension des mécanismes de l’innovation, de la gestion du changement. De plus l’intrapreneur, et c’est en cela qu’il se différencie de l’entrepreneur, doit évoluer dans des univers organisé souvent pour optimiser les activités de routine, l’intrapreneur sait aller aux limites de l’autorisé et parfois au-delà, à la condition de trouver un sponsor haut placé qui lui évitera trop de déboires et saura le protéger le cas échéant. 1.1.6 L’animateur d’équipes projets Etre manager dans les organisations complexes c’est aussi participer à des équipes projet avec des collègues d’autres horizons pour aider à résoudre des problèmes importants pour l’entreprise : L’amélioration de la satisfaction client, proposer des services associés, améliorer les délais de livraison, le service après vente, mieux gérer les Ressources Humaines Ressources Humaines du personnel en contact etc. L’amélioration de la qualité où interviennent les départements de R/D, les achats, la fabrication, voir les Ressources Humaines, la formation La diminution du besoin en fond de roulement (working capital) si nécessaire lorsque les sources de financement se tarissent et pour laquelle la coopération des vendeurs, des acheteurs, de la fabrication, des contrôleurs de gestion est cruciale Fréquemment ce sont les managers qui sont les plus actifs dans ces équipes projets dans, lesquels ils s’investissent en plus de leurs missions de base, qui font les carrières les plus rapides dans l’entreprise. Par leur participation ils se sont rendus plus visibles, on pensera plus facilement à eux, et lors des people review ou des plans de succession leur nom apparaîtra plus fréquemment. Mais c’est aussi parce qu’ils ont développé des compétences importantes dans les organisations complexes : • savoir partager de la connaissance, • savoir aborder un problème sous plusieurs angles, • comprendre les interactions entre plusieurs dimensions, • savoir manager les réseaux pertinents • savoir gérer un projet et un changement majeur qui aura un fort impact sur nombre de personnes. 1.2 Les situations managériales Longtemps la littérature sur le management a laissé croire qu’il y avait une formule de management valable pour tous les cas, avec son corollaire « tout peut se résoudre au seul management de la performance », sous entendu la performance commerciale, économique, ou financière. Nous réalisons aujourd’hui que les modes de managements sont différents selon les situations ; ce qui compte n’est pas d’avoir des compétences managériales dans l’absolu mais les compétences managériales qui conviennent à la situation donnée Examinons ce premier type avant de passer aux autres. 1.2.1 Le management des opérationnels, C’est ce que l’on entend le plus souvent par management. On manage pour avoir des résultats, améliorer la performance, développer l’efficacité, mettre au point de meilleurs processus. Le mot est lâché, il s’agit surtout d’un management des processus. Il se traduit par des protocoles, l’organisation du temps, de l’espace, des réunions, des compte rendus, par des évaluations, des contrôles, des outils de motivation pour encourager…Les techniques fondamentales : marketing, comptabilité, contrôle de gestion, finance, RH sont là pour doter les managers de tous ces processus et procédures. Chaque entreprise a à cœur en fonction de sa culture et de ses valeurs, de son métier, de son environnement concurrentiel de mettre au point les protocoles qu’elle entend promouvoir et faire appliquer. Un effet de taylorisation s’est fait sentir sur les populations concernées et les résultats des entreprises en sont la preuve. Faire plus et mieux avec moins, le leitmotiv est classique. Les qualités que l’on demande à un manager sont surtout : détermination, rigueur, transparence, conviction, respect des règles, adhésion aux valeurs et aux objectifs, loyauté, coopération, obéissance, disponibilité, écoute des « clients internes ou externes » et amélioration des résultats. La difficulté survient de ce que les objectifs sont parfois contradictoires et qu’il faut jongler entre les paradoxes. Un peu de créativité est parfois nécessaire mais sans trop remettre en cause les dites règles. L’acquisition de ces compétences se fait lors d’un parcours d’expériences Dans la grande distribution on est : chef de rayon, puis chef de secteur, directeur adjoint de magasin, directeur de magasin, directeur régional etc.. Dans l’automobile, un passage significatif en production est souvent apprécié. Dans le secteur de l’énergie, la production est également un lieu de passage obligé. Chacun son « mainstream », où l’on va avoir le temps d’observer le candidat, même et surtout le haut potentiel, de le voir se comporter dans différentes situations et circonstances. 1.2.2 Le management des experts d’un domaine De plus en plus dans une équipe, il y a les opérationnels et les experts, spécialistes d’un domaine. Les experts se définissent par rapport à leur champ d’expertise. Leur qualification, leur développement n’est que partiellement au sein de l’entreprise caléidoscope d’expertises, mais pas spécialiste d’une seule. Manager les experts implique donc que l’on manage individuellement chacun des experts pour lui apporter la guidance spécifique dont il a besoin. Naturellement, et il ne faut pas le craindre, la communauté d’apprentissage de l’expert, se situera à l’extérieur de l’entreprise : réseaux divers et variés, conférences nationales ou internationales, revues spécialisées, clubs et associations divers. Ceci implique, pour le manager d’experts, une bonne culture générale, la capacité de comprendre les différents domaines d’expertises, d’en connaître les référents. Il faut également être disponible pour venir en aide aux experts le moment venu, c'est-à-dire lorsqu’ils en ont besoin et non lorsque le manager le souhaite. Le management de professionnels répond à cette approche. Il faudra savoir répondre à la frustration qui veut que leur progression professionnelle ne pourra se faire que jusqu’à un certain point dans la même entreprise. Un exemple en est la formation et le management des équipes des grands restaurants. La confrérie des « chefs étoilés » s’échange les gâte-sauces et autres mitrons en les faisant tourner pour qu’ils puissent apprendre tous les « tours » du métier à différents endroits et acquérir ainsi le maximum de savoir-faire. Ce type de pratique se retrouve dans les systèmes universitaires avec la pratique des congés sabbatiques qui permet à un enseignant de rejoindre une équipe de recherche avec laquelle il veut développer un projet, avant de revenir dans son institution d’origine. La pratique est d’ailleurs multiséculaire et existait déjà au 12ème siècle entre les facultés de théologie en Europe. Fréquemment, les experts deviennent de piètres managers d’experts. Promouvoir un excellent chercheur en patron de laboratoire génère deux catastrophes : on perd un bon chercheur et on récupère un mauvais patron de recherche. La recommandation minimale est certainement d’accompagner le futur responsable d’équipe d’expert sur les attentes de rôle, les procédures, et les qualités managériales attendues. 1.2.3 Le management de projet Pour faire face à des demandes clients de plus en plus complexes, pour des situations prototypiques, pour traiter des problèmes transverses, les organisations ont de plus en plus recours au management de projet. Ce dernier est un exercice encore différent des précédents, demandant des savoir faire spécifiques La pratique moderne, issue des grands mouvements de la qualité totale, des principes de l’ingénierie concourante, et des préoccupations transverses croissantes dans l’entreprise a considérablement développé la nécessité de management en mode projet. Il existe désormais une littérature abondante et des formations de qualité sur le sujet. La catégorie du management de projet est vaste et chacune des sous catégories répond elle-même à des applications et des définitions particulières. Certains projets nécessitent de mettre en place des équipes pérennes, et le management s’analyse alors comme le premier type opérationnel souvent avec hybridation de management d’expertises. Certains projets n’ont pas de configuration spatio-temporelle pérenne, et on se trouve alors dans du management transverse que l’on peut qualifier de management matriciel ou partagé. Ceci tient au fait que les acteurs répondent à plusieurs lignes hiérarchique et qu’il leur faudra répondre à ces différentes lignes. Certains cas prennent des allures délicates, notamment dans l’ingénierie automobile. Le nombre de ligne de rattachement peut dépasser les trois voire les quatre ou cinq : ligne hiérarchique classique (ingénierie), ligne d’expertise (électronique embarquée), ligne de projet x (Laguna 3) ou y, ligne transverse multi-projet (amélioration de l’électronique embarquée pour tout les segments de marché, voire ligne d’application sur un site donné (ingénierie dédiée sur le site de lancement du nouveau véhicule), sans compter un groupe international multimarque (Renault Nissan). Ce cas de figure engendre des tensions importantes surtout si les dates de « jalon » de projet se catapultent. Manager les experts détachés dans les projets dans ce jeu complexe d’organisation qualifiée de « patatoïde » s’approche de l’art du jongleur. La dimension « coaching » et mentoring devient dominante. Les enjeux deviennent vite très importants et peuvent alors rentrer en conflit avec d’autres soucis et projets personnels. Souvent de tels experts sont amenés à définir eux-mêmes les priorités de l’agenda tant il est impossible de mettre les différentes lignes hiérarchique en accord. Des représentations graphiques des expertises nécessaires dans les différents projets peuvent faire apparaître les goulots d’étranglement. Le manager devra s’efforcer d’être à l’écoute, d’aider, d’apporter les ressources nécessaires, de négocier avec les autres lignes hiérarchiques, de définir l’organisation des espaces de collaboration, pour mieux planifier le travail et pour éviter l’éclatement et une forme de travail proche du grand écart et de la schizophrénie. On retrouve des situations qui s’en approchent dans certaines institutions académiques ou cabinets de consultants, où les acteurs doivent servir plusieurs clients internes et externes, tout en se préservant du temps pour leurs publications, recherches, contact avec les étudiants ou clients, et création de matériel pédagogique ou d’intervention. Après le management opérationnel, le management d’experts, le management de projet, un autre type de préoccupation apparaît, moins connu mais très important. 1.2.4 Le management des réseaux internes et externes De plus en plus les unités au travail dépendent de ressources hors de leurs frontières, pour réaliser leurs objectifs. (L’approche organique des systèmes organisationnels (Le Macroscope Joël de Rosnay) montre à quel point les systèmes sont désormais ouverts et comment ils sont devenus interdépendants. Une crise modeste à la bourse de Shanghai engendre une tempête dans le monde boursier international. C’est l’effet « aile de papillon », (ou autrement dit « attracteur étrange »), souvent expliqué par les scientifiques et notamment l’Institut de Santa Fé au Nouveau Mexique, pour expliquer des phénomènes complexes. L’accumulation de petites décisions allant toujours dans le même sens peut en engendrer de grands effets. L’effet de diversité permet de diminuer le risque systémique (type grippe aviaire, SRAS, endogamie). Les organisations ne peuvent gérer en permanence un haut niveau de diversité en leur sein au risque sinon de perdre leur pertinence et leur cohérence. Mais il faut de la variété pour s’enrichir, combiner, inventer. Le management de réseaux en interne apporte une bonne partie de management interstitiel que les organigrammes n’apportent pas. Tout ne peut pas passer par les voies (voix) hiérarchiques. Souvent les séminaires résidentiels sont l’occasion de former au sein de l’entreprise de tels réseaux qui permettront en suite de « mieux travailler ensemble » et de diminuer les coûts de transactions entre unités. Développer des modes de fonctionnement collaboratifs voire collégiaux engendre une réelle valeur ajoutée sans compter un meilleur climat de travail. De la même façon tout ne peut pas être fourni en interne. Il faut donc permettre à ses équipes de se ressourcer par le biais des réseaux externes. L’important est de bien gérer ces implications et de s’assurer qu’elles soient complémentaires, contributives et cohérentes au plan organisationnel comme au plan individuel. L’entreprise Google est une illustration de ce mode de management de réseaux internes et externes. Demain est déjà là Les entreprises d’avant garde comme Google ont d’ores et déjà inventé un autre modèle d’organisation. Des petits groupes d’ingénieurs de haut niveau de qualification créent les produits du futur avec une large autonomie. 20% du temps des ingénieurs est consacré à des travaux personnels : l’objectif est de développer leur créativité. Des contributeurs externes testent les nouveaux produits, les améliorent, proposent des innovations; le rôle des ingénieurs de Google n’est pas uniquement d’innover mais aussi d’entretenir un réseau de relation dense avec ces communautés. On utilise la technologie et non la hiérarchie comme le moyen de coordonner les équipes. On privilégie la motivation intrinsèque. Mais tout est mesuré ! L’organisation de ces entreprises nées dans la Silicon Valley forme un réseau de petites équipes autonomes avec des relations peu hiérarchiques, ouvertes sur les communautés scientifiques. On est bien loin de la conception classique des organisations et c’est vraisemblablement l’avenir des entreprises de la connaissance qui se dessine. Le modèle Google : Bernard Girard M21 édition 1.3 Les managers deviennent des leaders stratèges de leur unité Le rôle stratégique était autrefois cantonné au niveau le plus haut de la hiérarchie qui élaborait cette stratégie, articulait un plan à 3 ou 5 ans qui servait de ligne directrice au management opérationnel. Dans les entreprises soumises à des environnements turbulents, la stratégie se construit chaque jour et la Direction Générale ne peut que clarifier la vision globale et faire confiance au management opérationnel pour décliner cette vision au niveau de son unité. Chaque manager doit à son tour clarifier la vision de son unité, dire comment elle s’inscrit dans la vision globale de l’entreprise et décider des stratégies particulières à mettre en œuvre. Pour ce faire il lui faudra développer des compétences autrefois réservées aux dirigeants, savoir analyser l’industrie, faire une veille concurrentielle, clarifier les facteurs clés de succès, les avantages concurrentiels de l’entreprise, communiquer clairement cette stratégie à la fois auprès de son management et auprès de ses équipes pour les mobiliser. Et les managers doivent compléter leurs compétences de management par des compétences d’une autre nature, les compétences de leadership. Là encore il n’existe pas de modèle unique. Conjoncturel, contextuel, individuel, évolutif et circonstancié le rôle de leader doit éviter les pièges de l’instrumentalisation. 1.3.1 Le leadership Une enquête réalisée par l’INSEAD en 2003 auprès de plus de 2000 managers dans 75 pays, à cherché à clarifier les attentes du personnel des entreprises vis à vis de leurs leaders (Global leadership survey : From management to leadership). Les réponses obtenues privilégient à 93% des compétences non techniques, que certains nommeraient « molles » (soft, par opposition à « hard skills » techniques quantitatives) :  Définir et clarifier une vision  Influencer  Créer une confiance  Motiver 1.3.2 Leaders et managers sont complémentaires John Kotter dans son ouvrage : « What leaders really do » oppose managers et leaders qui à son sens n’ont pas la même fonction. Pour Kotter le rôle du management consiste en une recherche de la cohérence entre des dimensions essentielles comme la profitabilité, la qualité des produits et il agit essentiellement à travers des instruments comme le plan, le budget, il organise, il planifie, et contrôle et il résout des problèmes. En un mot le manager est un administrateur optimisant l’utilisation des ressources, il est centré sur le comment mais peu sur le quoi et surtout le pourquoi. A contrario, le leader a pour fonction essentielle d’amener du changement, il doit fournir une direction claire, aligner les énergies des collaborateurs vers cet horizon, les motiver, John Kotter parle même « d’inspiration ». Il est clair que les deux rôles sont complémentaires, un leader qui ne s’appuie pas sur des managers risque de voir fort peu de sa vision mise en œuvre, mais un management sans leadership sera en grand danger de reproduire les vielles recettes qui ont fait le succès de l’entreprise jusqu’a ce que celle ci se révèle incapable d’innovation. On voit ici le danger qui guette les entreprises lorsqu’elles nomment à des positions de numéro 1 d’excellents managers qui malheureusement n’ont peut être pas les qualités de leadership nécessaires. Passer de manager à leader est réaliser un véritable saut qualitatif et entrer dans une position ou ce qui a fait votre succès est moins important que les nouvelles compétences qu’il faudra acquérir. Warren Bennis (The seven ages of the leader) cite le prince Hal dans Henri IV de Shakespeare qui lorsqu’il devient roi rejette son ancien mentor et camarade de beuveries Falstaff, et ne l’invite pas à son couronnement. Une des tâches les plus délicates lorsque l’on est nommé leader de son entreprise est de se positionner vis à vis de ses anciens collègues, de se distancier pour pouvoir réaliser sa mission. Dans un sens les leaders sont issus des besoins, des craintes, des espoirs, des peurs des collaborateurs et le premier travail du leader est de s’affranchir quelque peu de ces attentes pour pouvoir agir. 1.3.3 Le leader est symbole de l’entreprise Warren Bennis encore pointe le fait que le leader est toujours en représentation, ce qu’il dit, fait, son habillement, sa façon de manger, son attitude en famille sont toujours soumis à interprétation et les premiers signes sont structurants et donnent immédiatement lieu à interprétation. Le leader est un des symboles visibles de l’entreprise, et donc de ce que sera son avenir. Dans son ouvrage, Philippe Riès ( Carlos Ghosn et Philippe Riès : Citoyen du monde) écrit : « Le Japon qui est coutumier de ces phénomènes d’engouement pour des personnalités en vue (de la princesse Diana lors de sa visite en 1987,au footballeur Anglais David Beckham pendant la coupe du monde 2002), succombe à la Ghosn-mania. « Ghosn-San « fait la une des magasines, devient rôle –model dans un pays en mal de leadership. Carlos Ghosn atteint la consécration suprême avec la publication d’un « manga « dont il est le héros ». Et Carlos Ghosn de déclarer « Certains parlent d’un culte de la personnalité, de mégalomanie. Moi je répondrai que je suis dans l’activité professionnelle depuis 1978 et que quand j’étais chez Michelin, je ne faisais pas la une des journaux … Quand j’étais chez Renault, j’étais un peu plus visible, pour Nissan je l’ai fait par nécessité ». On voit que le rôle du leader soit un rôle de communiquant, il est symbole de l’entreprise non seulement auprès des collaborateurs, mais aussi des clients, des fournisseurs, du public en général, et des actionnaires. Il doit communiquer sur l’entreprise, ce qu’elle est et rêve de devenir, et donner envie de contribuer à ce projet. 1.3.4 Le Leader est un visionnaire actif C’est encore Carlos Ghosn qui déclare à propos de Nissan : « Chez Nissan il fallait créer de la passion, reconstruire une vision, retrouver un rythme, remettre les choses en phase, donner un élan et un projet à l’entreprise, si je pouvais-je dirais qu’il y avait besoin de flamme, d’intensité, de lumière ». Les grands leaders comme Jack Welch (Jack straight from the guts) ont illustré des caractéristiques clés du leadership : la passion pour la réussite et le changement. Etre leader c’est avoir une grande ambition pour son entreprise, articuler une vision et prendre les décisions nécessaires pour réaliser sa vision. Chez General Electric la vision des années 80 : « Be N° 1,or N° 2, fix, sell or close », s’est traduite par le départ d’un employé sur 5 de GE soit 118000 personnes ce qui a valu à Jack Welch le surnom de « Neutron Jack », celui qui élimine les personnes en gardant les immeubles intacts. La vision de GE s’est ensuite déclinée et actualisée à chaque fois porteuses de profonds changements de l’entreprise. Devenir global, devenir un leader dans les services, améliorer la qualité au niveau six sigmas, devenir une e-compagnie sont les grands changements des années 90 ce qui fait dire à Jacques Welch : “If you like ideas you have to love GE” et plus loin : “Learning to love change is an un-natural act in any century old institution, but the GE I’m leaving, does just that” (« apprendre à aimer le changement est un acte contre nature dans toutes les organisations de plus d’un siècle, mais chez GE que je quitte, cela est fait constamment”) Tous les leaders réalisent vite que la mise en œuvre de leur vision repose sur les hommes et les femmes qui les entourent, sur les talents qu’ils peuvent attirer et conserver ce qui fait dire à Jacques Welch. « Great people, not great strategies, are what made it all work. We spent extraordinary time recruiting, training, developing and rewarding the best. Our reach and our success would have been limited without the best people stretching to become better” (“Des hommes remarquables plus que des stratégies extraordinaires, c’est la clef du succès. Nous passons un temps considérable à recruter, former, développer les meilleurs. Nos réalisations et nos succès auraient été limités si les meilleurs n’avaient pas cherché sans cesse à se dépasser ») Dans son ouvrage « Winning », Jack Welch décrit ainsi les principaux enjeux des leaders d’organisations globales : - Les leaders améliorent sans arrêt la qualité de leurs équipes, ils utilisent chaque rencontre comme une opportunité d’évaluer, de conseiller et de bâtir la confiance en soi - Les leaders s’assurent que tout collaborateur non seulement comprend la vision, mais la vit et la respire - Les leaders font apparaître chez leurs collaborateurs l’énergie et les idées - Les Leaders créent la confiance avec honnêteté - Les Leaders ont le courage de prendre des décisions difficiles avec cœur - Les Leaders repoussent les frontières du scepticisme et s’assurent que leurs questions sont suivies d’actions - Les Leaders suscitent la prise de risque et l’apprentissage par essai/erreur en donnant l’exemple - Les Leaders célèbrent les succès Mais on voit aussi apparaître une face cachée et plus sombre du leadership, une certaine brutalité, de l’autoritarisme, l’arrogance, allant parfois jusqu’a des pathologies (« Only paranoids survive »), des pertes de mesure et une coupure d’avec la réalité. Ces grands leaders « charismatiques », si utiles à un stade de développement de l’entreprise peuvent se révéler nuisibles à une autre période comme ce fut le cas pour Henri Ford au début du 20° siècle ou plus récemment dans des affaires à scandale. L’entreprise peut alors vaciller parce que son leader est mis en examen, ou simplement en cause, et cela réduit à néant les efforts de plusieurs années pour positionner l’entreprise au niveau mondial. Peu importe que plusieurs années après on réalise que le leader ne méritait pas tant d’infamie, le mal est fait et cela s’est traduit par la disparition de milliers d’emplois. L’ouvrage de l’ancien PDG d’Alcatel Alsthom éclaire ce sujet: (L’envol saboté d’Alcatel Alsthom : Pierre Suard). Dans tous les cas lorsque le leader quitte l’entreprise celle ci traverse une période délicate, à un certain stade l’entreprise a été tant symbolisée par son leader que le passage de relais est critique, ce qui nuit grandement à la pérennité de l’entreprise. Si le leader n’a pas préparé sa succession il y aura un grand flottement qui sera certainement mis à profit par les concurrents. A ce titre les préparations de relais de certains dirigeants sont exemplaires: Louis Schweitzer pour Renault et Bertrand Collomb chez Lafarge et méritent d’être soulignés. La caractéristique d’un leader charismatique étant souvent qu’il a du mal à supporter des challengers, il est fréquent de voir ces leaders entourés par des fidèles, voire des courtisans, mais qui n’ont pas les compétences de leadership nécessaires pour devenir des numéros 1. Ceux qui avaient ces compétences sont partis faute d’avoir la possibilité d’exprimer leurs capacités de leadership sous le commandement du « dirigeant ». 1.3.5 Le leader partage son leadership et sait s’entourer Dans une recherche récente relatée par Jim Collins (Good to Great) on voit apparaître une version moins flamboyante du leadership mais plus efficace sur le long terme. Les chercheurs ont étudié dans de nombreuses industries la différence entre les bonnes entreprise et les excellentes, celles qui à un moment se détachent de leurs homologues dans la même industrie, progressent plus vite et obtiennent des résultats largement supérieurs (en moyenne 6,9 fois la valeur moyenne des entreprises de l’industrie en 15 ans). Ils notent par exemple que GE, le symbole du leadership des années 90-2000 a dépassé la performance du marché de 2,8 fois (seulement !) entre 85 et 2000. Ce qui selon les auteurs caractérise les «great companies» c’est un leadership caractérisé par : à la fois une passion pour la réussite de l’entreprise mais aussi une humilité personnelle ! On est alors loin du leader flamboyant. Ce leader a de l’ambition pour l’entreprise pas pour lui, il accepte la responsabilité des échecs et attribue les succès aux collaborateurs, il forme des successeurs pour assurer la continuité du succès. Les entreprises à la réussite exceptionnelles ont un leadership fort mais partagé par une équipe de direction. Ce n’est pas le N°1 qui seul assure ce leadership mais une équipe qui assurera la continuité même si le dirigeant quitte l’entreprise. Ce leadership d’équipe est d’autant plus efficace qu’il y a complémentarité entre les orientations de leadership des membres, si le PDG est plus orienté vers l’action, l’innovation, il a un Directeur Général qui l’épaule sur la maîtrise des processus, un DRH qui porte au niveau du Comité exécutif l’intérêt pour les talents et les personnes. Néanmoins en situation de grande incertitude ou de grand péril c’est au leader qu’il appartiendra de prendre les décisions, de montrer l’exemple. Pour cela il lui faudra : Une grande intelligence (le QI) pour discerner ce qu’il convient de faire alors que la situation est complexe ambiguë, qu’il n’y a pas consensus dans l’équipe, que les objectifs même ne sont pas partagés. Mais aussi il devra comprendre les sentiments des membres de son équipe, les peurs des collaborateurs de ne pouvoir faire face et se connaître suffisamment pour faire la part des choses entre ses désirs (désir de puissance, besoins narcissiques..) et les besoins de l’entreprise. On voit ici poindre des compétences décrites par Daniel Coleman sous le nom de l’intelligence émotionnelle (l’EQ, Quotient émotionnel). A ces compétences de leadership, Paul Claudel rajoute à juste titre l’énergie, la vitalité (VQ, Quotient de Vitalité) car il faut une vitalité à toute épreuve pour être un leader aujourd’hui et répondre à toutes les sollicitations sans se disperser et se consumer. Outre ces qualités de courage, et il en faut par ces temps de tensions, il faut ajouter des qualités d’organisateurs en réactualisant en permanence son organisation, comme le faisait Chuck Knight, le patron d’Emerson Motors en redessinant, au calme, le dimanche matin, dans une pièce spécialement aménagée, l’organisation de son groupe et de ses mille dirigeants internationaux. 1.3.6 Le leader est un découvreur de talents Dans le monde économique d’aujourd’hui, Pierre Casse,de l’IAE d’Aix en Provence qui a été Professeur de la Chaire de leadership Solvay à l’ULB à Bruxelles, et Paul Claudel suggèrent qu’il y a une évolution de l’exercice du leadership. Le changement est de plus en plus rapide, imprévisible parfois et les Directions Générales ne peuvent plus réagir à tout. Les collaborateurs sont de mieux en mieux formés et informés dans l’économie de la connaissance. Les façons de travailler ont profondément évolué grâce aux technologies de l’information, on peut contribuer efficacement de chez soi à son heure. Les jeunes acceptent mal des modes de commandement dont leurs aînés s’accommodaient, ce sont eux qui souvent détiennent les vraies compétences distinctives qui feront le succès futur de l’entreprise. Dans les entreprises de haute technologie la réussite provient parfois plus d’initiatives d’individus hors norme que des efforts structurés et légitimes pour innover. Gary Hamel a décrit le cas d’IBM défié dans sa stratégie Internet par deux obscurs ingénieurs. La réussite d’Alcatel dans l’ADSL doit beaucoup à la pugnacité d’un développeur basé à Anvers. Dès lors le rôle du leader est d’être à la recherche de ces « pépites », à l’écoute de ce qui se passe en R/D, de ce qui se dit dans les forces commerciales en contact avec les clients, d’encourager les initiatives, de les protéger contre les armées de contrôleurs de tout poil et de discerner ce qui dans cet ensemble d’initiatives est susceptible de générer des nouveaux business (ex :le post it chez 3M) ou de représenter des meilleures pratiques. Le leader est celui qui fait confiance, laisse prendre du pouvoir (empowerment), crée une culture de l’initiative et sait investir sur les plus prometteuses d’entre elles. 1.3.7 Le leader anticipe sa succession C’est incontestablement de plus en plus ardu d’être un leader et à y réfléchir assez peu d’exemples de leaders exceptionnels viennent à l’esprit. On a vraisemblablement idéalisé le leader avec des attentes irréalistes pour répondre à nos propres incertitudes, ambiguïtés et faiblesses. Dans les entreprises aujourd’hui on a besoin non pas d’un leader exceptionnel mais d’un grand nombre de bons leaders qui chacun dans sa zone d’influence apporteront plus de performance, créeront une bonne équipe, développeront les collaborateurs. Les grands leaders exceptionnels naissent vraisemblablement avec ce don qui va les distinguer des autres, par contre ce qu’il faut aujourd’hui c’est un grand nombre de leaders à qui on aura fourni les opportunités de développer leurs capacités de leadership (emerging talents). Attention cependant aux pratiques actuelles qui ont instrumentalisé la formation au leadership dans le souci de faire de chacun un leader. Tous n’aspirent pas à de telles positions trop exposées à leur goût et par ailleurs il y a autant de modèles de leadership que de personnes et de situations. 1.4 Le risque de la taylorisation du management Le XXe siècle a été témoin d'un effort de productivité sans précédent. Le passage progressif de l'artisanat à l'industrie a généré d'immenses progrès dans l'ensemble de la sphère industrielle. Il s'est agi non seulement des nouvelles technologies mais également de tous les dispositifs organisationnels nouveaux, méthodes de travail, fonctionnement d'équipe, management etc. Corrélativement le coût des produits manufacturés a baissé en valeur relative car les progrès de l'automatisation, la pression sur les coûts de main-d’œuvre, les délocalisations ont permis d'obtenir des réductions de coûts importantes. Une fois ce travail fait dans les usines, notamment en Europe et aux États-Unis, les consultants et organisateurs se sont penchés sur l'autre poste des coûts salariaux, à savoir l'encadrement et les managers. Il est apparu que les efforts de productivité avaient sans doute été moins élevés sur ces postes la que sur les postes purement industriels. Le potentiel de gain est apparu important, de l'ordre de 40 % de la masse salariale concernée, qui compte tenu des niveaux de salaires est importante. Progressivement ceci a généré dans l'ensemble des entreprises une série de dispositifs destinés à améliorer la productivité organisationnelle. Ces nouveaux outils de productivité managériale sont issus pour la plupart du monde anglo-saxon et plus particulièrement des grandes business schools américaines et des écoles de psychosociologie. Il faut savoir au départ que l'essentiel de la réflexion sur les questions d'organisation et de logistique ont été menée dans le cadre de l'armée américaine à l'occasion de la deuxième guerre mondiale. Un retour au pays nombre de soldats engagés pendant le conflit se sont vus proposer des formations managériales directement inspirées des innovations organisationnelles liées à l'effort de guerre. L'utilisation de métrique de plus en plus sophistiquée a envahi tous les espaces et toutes les fonctions managériales qu'il s'agisse de la finance, du marketing, des ressources humaines. Ce qui ne se mesure pas ne s'améliore pas, disent les experts. Progressivement donc les approches qualitatives ont cédé le pas aux approches quantitatives. Ceci a influencé même les modalités de recherche dans les business Schools aux États-Unis. Les thèses doctorales américaines en management sont essentiellement des approches quantitatives sur le modèle des recherches scientifiques classiques. Les outils ont suivi. Assessment, évaluation, définition des objectifs chiffrés, formalisation de la stratégie, approche par la qualité totale, six sigma, le management par projet, la bureautique, jusque et y compris le Balanced Score card. Muni de ces nouveaux outils les « râteaux » organisationnels se sont considérablement élargis. Là ou un manager encadrait six à sept personnes, il en encadre désormais le double ou le triple. La productivité organisationnelle a donc fait un bond considérable soutenu en ce sens à l'évolution des nouvelles technologies. Qui désormais a une assistante ? Qui dans l'entreprise n'utilise pas aujourd'hui l'ensemble des procédures informatisées pour toutes les tâches d'administration ? Sans doute ceci est un bien mais ces pratiques ont considérablement changé les tâches quotidiennes des dirigeants et autres managers. Tâches ancillaires sans réelles valeur ajoutée, mais certainement dévoreuse de temps. Ils passent désormais de plus en plus de temps à compléter les procédures informatisées, et à évaluer leurs équipes. Parallèlement ils sont encore plus contraints à l'atteinte de leurs objectifs et de leurs performances. Les tâches des managers ont changé, le temps disponible pour inventer et mettre au point les nouvelles activités produits ou services s'est considérablement réduit, et la dimension créative et innovante a été réduite à sa plus simple expression. De plus en plus les décisions sont l’objet de réunions et de comités innombrables, car personne ne peut décider seul. Les mails et les messages vocaux s’accumulent, et le week-end devient le seul moment où cette surcharge peut se traiter, au détriment de la famille. Les 35 heures n’ont fait que rajouter à la tension. La pression aidant nombre de managers ne retrouve pas l'intérêt dans leur travail. Ceci explique pour beaucoup les attitudes des nouvelles générations de diplômés face à leurs employeurs, et l'évolution de leur loyauté à l'entreprise. Il est vrai qu'ils ont vu leurs parents souvent mal récompensés de leur engagement. Il importe donc de repenser en utilisant au mieux les nouvelles et technologies, les responsabilités du management et de redonner la part de liberté, d'innovation et de créativité que tout dirigeant doit avoir dans sa mission. En ce sens l'abus de coaching est un témoignage fort de l'absence de disponibilité et d'écoute du management vis-à-vis de ses troupes. 1.5 Le risque de l’incapacité de faire face aux attentes ; from stress to distress Comment arriver à maîtriser et à optimiser toutes ces attentes sans savoir se manager soi-même et développer des relations saines, ressourçantes et vivifiantes avec ses proches. Les cas de plus en plus fréquents de pathologies, voire de suicide de managers incapables de concilier ces multiples attentes doivent nous alerter, on est peut être parvenu à une limite et le rôle de la DRH est certainement de veiller à une meilleure hygiène du travail. Le management de soi se cristallise fortement autour du management de son temps. Tous les managers se plaignent d’être surchargés, de devoir sacrifier beaucoup à leur métier de manager. Comment les managers affectent-ils leur précieux temps ,à quelles tâches donnent-ils la priorité ? Comment répondent-ils à une demande de rendez vous, en fonction de la qualité du demandeur, de l’importance du problème ? Qui gère leur agenda ? Lorsqu’on leur demande de comparer l’affectation de leur temps aux priorités qu’ils se fixent, à l’évidence une part conséquente de leur temps est affecté à des taches qui ne sont pas jugées prioritaires. Dans nombre de cas c’est la pression qui gère l’agenda, les managers n’en sont plus maîtres Comment équilibrent-ils leur vie professionnelle, et familiale, le temps consacré aux amis, à la société, le temps pour se cultiver? Là encore la conclusion s’impose, la vie professionnelle a pris le dessus sur la plupart des autres relations, paradoxalement avec les RTT c’est pire. Certes il y a plus de congés mais au prix d’une pression forte pendant les périodes d’activité. Même si nous sommes inégaux devant notre patrimoine originel et original de santé physiologique et mentale, il nous appartient de le maintenir sinon de le construire. Avec l’âge et l’expérience nous savons ce qui nous fait du bien et nous ressource et ce qui nous fatigue. Nous connaissons le coût des expédients et des abus. Chacun gère ses priorités à sa façon et a une représentation personnelle du temps et de la durée. Certains d’entre nous ont plus ou moins besoin de sommeil, résistent plus ou moins au stress, véritable maladie de type immunodépresseur, et connaissent les configurations meurtrières de stress, fatigue, absence de repos et mauvaise alimentation. Certes les gratifications narcissiques sont là pour aider les managers à supporter la partie sombre de leurs responsabilités. Mais elles sont autant d’artifices, et sont créatrices de dépendance. Rien de tel que de perdre un poste de haut niveau pour en comprendre l’impact et découvrir le sevrage, la frustration ou le deuil. Comprendre ses croyances, ses désirs profonds, ses états d’esprit, avec leur angoisses et incertitudes, les tempérer, maîtriser ses projections, savoir servir plutôt que se servir, sont autant de signes de la tradition du manager humaniste de notre culture. Chacun doit connaître son mode de ressourcement, et les exercices de recueillement qui lui conviennent. Qu’est ce que j’aime faire , ou ne pas faire, qu’est ce qui me procure de la joie, de la peine, comment puis je le mieux aider les autres, quel est mon projet de vie, professionnelle, personnelle, que suis-je prêt à sacrifier, quelle est ma relation au pouvoir, à l’argent, à l’amour, à l’autorité, au temps et à l’espace, à l’environnement, autant de sujet de réflexion qu’un manager doit pouvoir renseigner ? Suis-je un dirigeant séducteur, un leader naturel, ou un manipulateur, ai-je envie de diriger, avec toutes les conséquences de ce choix ou suis je plutôt sur le registre de la contribution par mon expertise ? Reste encore à explorer quelque chose d’aussi intime qui est le registre de la relation avec les proches. Quelle place je leur accorde, et si je ne peux leur donner tout ce qu’ils souhaitent, quelle forme de compensation de qualité puis- je leur apporter ? Car, la vie professionnelle est de plus en plus exigeante et son coût sur les personnes de plus en plus élevé. Les postures héroïques sont admirables, certes, mais elles sont psychiquement coûteuses, et appellent des compensations. Qui, ou quoi procure ces compensations, et dans quelles conditions ? Nous avons désormais dessiné la vie professionnelle comme une compétition de haut niveau, qui se déroule en continu. Les exigences sont croissantes. Sommes nous prêts à les assumer et pendant combien de temps ? Comment pouvons-nous récupérer de ces efforts, autrement que par des subterfuges ? Il serait sain de prendre en compte les évolutions des besoins individuels et s’arrêter de penser que tout le monde veut diriger le plus longtemps possible et même au delà des limites raisonnables. La vie nous apprend que l’on fait avec plaisir certaines choses à certaines époques et d’autres choses à d’autres époques. « A chaque âge son plaisir » devrait pouvoir s’appliquer aussi au type de fonction managériale que l’on souhaite exercer. En conclusion, il apparaît que les managers doivent par des réflexes d’anticipation, se préparer à la gestion de touts ces rôles. Dans des économies dynamiques et complexes les états d’équilibre sont transitoires et éphémères. Seule une vision prospective anticipatrice, prenant en compte l’intérêt de l’organisation et des partenaires, y compris le décideur lui-même peut parvenir à une optimisation partielle. Il ne s’agit pas forcément d’être excellent, il est surtout question d’arbitrage et de cohérence entre les ressources et les projets, entre les moyens et l’organisation, entre les clients et les fournisseurs. Comme un jongleur le manager doit lancer son action, la conserver autant qu’il est nécessaire et savoir la terminer sans casser les entités qu’il a mises en mouvement. Chaque dimension supplémentaire de la complexité à gérer, génère un niveau d’attention et de soin proportionnellement plus important car il entre en combinatoire avec d’autres déjà en mouvement. 1.6 A quoi servent les Dirigeants ? A une époque où la chasse aux talents et aux expertises devient un sport international, où l’abondance de la littérature managériale explique comment réussir ou ne pas échouer, où les nouvelles technologies transforment jour après jour les modalités de fonctionnement des organisations et des équipes, où le management des expertises devient un objectif stratégique, il est important de se poser la question « à quoi servent les Dirigeants ? ». 1.6.1 : Faut-il encore « un » dirigeant ? Mais peut être pourrions nous commencer par la première question : « Faut-il encore des Dirigeants » ? Peut-on imaginer une entreprise sans Dirigeants ? Certes des modèles nouveaux apparaissent qui laissent entrevoir des managements de plus en plus collégiaux (Google), où la prééminence d’une personne par rapport aux autres semble même problématique, voire d’autres instances où plusieurs pairs ont pu diriger collégialement une organisation (Essilor, groupe Accor). Les fonctionnements en réseaux se développent, la durée des mandats évolue elle aussi, notamment dans le cadre du mode projet, où les uns et les autres peuvent passer par des phases de responsables ou de simples participants. Ceci ne remet pas en cause cependant la nécessité pour un groupe humain au travail à se définir une organisation, c’est-à-dire littéralement une mise en œuvre de son énergie, dans un sens et dans un but donné, et appelle donc la présence d’un conducteur permettant d’orienter ce flux d’énergie. Outre cette fonction, liée directement au sens, à la direction, la question reste entière « à quoi donc servent les Dirigeants ? ». De l’analyse d’un certain nombre de situations de travail, et que peu nombreux soient les dirigeants qui se posent la question concernant non seulement leur rôle mais leur fonctionnement en tant que dirigeant, on peut identifier quelques fonctionnalités. 1.6.2 Rassurer et encourager Les dirigeants créent, gèrent, et souvent jouent le rôle de tampon du stress et de l’anxiété qui naissent dans toute situation organisationnelle tendue vers l’obtention d’un but. Mais avant tout, ils créent cette situation pour mobiliser les énergies de leurs équipes. S’il n’y a pas d’enjeu, s’il n’y a pas d’objectifs à atteindre, et si les objectifs ne sont pas ambitieux, il est difficile de mobiliser les énergies. Il faut donc amener les équipiers à se dépasser. Mais chacun d’entre eux a son seuil personnel de résistance au stress, à l’anxiété et à l’ambiguïté. Le dirigeant doit donc savamment doser l’utilisation et la manipulation de ce niveau d’inquiétude. À trop en mettre il paralyse, à ne pas en mettre assez, il neutralise. Ceci doit par ailleurs l’amener à vérifier en ce qui le concerne, sa capacité à assumer les situations dans lesquelles il se situe, et plonge par la même occasion ses collaborateurs. La peur est contagieuse. Surtout en période de crise. Certains environnements, notamment les environnement créatifs (centres de recherche, équipes de consultants, créatifs d’agences, artistes, musiciens …) sont constitués par nature de personnes, qui à la fois ont besoin d’un certain niveau de stress (le trac !) pour mobiliser des niveaux importants d’énergie psychique et physique, mais supportent mal le stress des autres, de leur voisin, de leur dirigeant. Le rôle du dirigeant, comme celui du coach d’une équipe sportive, va être de canaliser à partir de cette anxiété, toute l’énergie vers un objectif déterminé en autorisant littéralement ces personnes à réussir. En leur montrant qu’ils sont capables d’atteindre les objectifs ambitieux qu'ils se sont définis, le dirigeant libère des quantités encore plus importantes d’énergie qui permettent d’atteindre les résultats envisagés. L’atteinte elle-même de ces résultats créera à son tour un niveau d’objectifs supérieur qui lui même générera encore plus d’anxiété. C’est ainsi que sans que l’on s’en rende compte précisément, la direction d’entreprise se transforme progressivement pour devenir semblable au management d’équipes de haute compétition. Ceci appelle de la part des dirigeants des sensibilités, voire des formations particulières, sans omettre des entraînements, des soins et des suivis ad hoc. Bonne santé physique, psychique, morale, bon équilibre, vont de paire avec une bonne performance si l’on veut que la performance soit reproductible dans la durée. 1.6.3 Donner du sens, faire comprendre la vision Pour atteindre ces résultats ambitieux, et pour donner du sens à leur action, les dirigeants doivent avoir une certaine aptitude à décoder l’environnement ainsi que les situations paradoxales qui le composent. Par définition l’entrepreneur est lui même homme de paradoxe. Il a réussi un alliage là où d’autres n’avaient pas réussi. Il arrive à vendre moins cher des objets de luxe, jadis réservés à une clientèle sélectionnée, il crée une nouvelle activité ou un nouveau service, là où d’autres pensaient que cela n’était pas possible. Il satisfait un besoin qui n’est pas toujours formulé. Il marie des technologies. Il assemble, confectionne les objets dont les formes au départ n’étaient pas faites pour aller ensemble. C’est donc un gestionnaire hors pair de situations paradoxales et souvent les grands créateurs d’entreprise sauront donner à leurs équipes des enjeux paradoxaux avec mission de les dépasser. Ces situations paradoxales superposées et successives engendrent à leur tour un certain niveau de stress et d’anxiété et peut dans certains cas créer des inhibitions fatales pour les équipes, qui ne sachant quel objectif prioritaire atteindre, préfèrent ne rien faire. D’autres s’échapperont de ces situations délicates d’une façon ou d’une autre, fuite simple, abandon, maladie. Seul un petit nombre cherchera et trouvera des solutions à ces situations composées et successives, et grâce à leur créativité feront progresser leur équipe ou l’entreprise. Le dirigeant a cependant à cœur de ne pas mettre indéfiniment ses équipes en situation paradoxale, car l'opération est coûteuse. Il est bon par ailleurs qu’il sache décrypter, expliciter, formaliser, et donner des chemins critiques pour permettre à ses équipes de franchir les différentes étapes. Personne n’apprend à jongler du premier coup avec dix balles différentes. L’adresse se développe progressivement grâce à l’entraînement. Le dirigeant créatif quant à lui, est capable de déceler dans un environnement apparemment hostile, des opportunités, c’est à dire des situations paradoxales dont il peut apprécier les composants pour les transformer en opportunités. C’est d’ailleurs souvent cette qualité qui différencie un grand dirigeant d’un simple manager. De cette capacité, le dirigeant maîtrisera l’art subtil de faire naître la vision pour son entreprise ainsi que les objectifs. Il peut les formuler par anticipation pour ses équipes, mais il est préférable que cette vision naisse de la collectivité, car alors elle sera mieux portée et soutenue par les efforts de l’ensemble. Il restera néanmoins à donner à cette vision corps et contenu. Un peu de la même façon qu’un compositeur devra écrire sa musique note après note et pour tous les instruments, et préciser pour chaque portée les indications nécessaires de rythme et d’intensité permettant une bonne interprétation. Cette vision en définitive se traduira dans l'entreprise en indicateurs chiffrés, ceux-ci apparaissant aujourd’hui comme les plus simples à communiquer et à manier, comme autant d'objectifs, à viser et à atteindre. 1.6.4 Gérer les ressources rares Une fois ce travail fait, le dirigeant devra avoir en souci de gérer finement les ressources rares de son entreprise. Outre le projet d’entreprise lui-même au sens large, histoire, vision, valeur, culture, stratégie, il existe au sein de l’entreprise de grands projets structurants. Le choix d’une technologie, le choix d’une alliance, le choix des partenaires stratégiques, le choix des fournisseurs, des implantations, des clients … Ce choix doit être fait avec circonspection car toute rupture de cohérence peut être préjudiciable. Ce qui est stratégique n’est pas sous traitable. Dans ce sens, la gestion des indicateurs stratégiques fondamentaux, qui représente la véritable formalisation de la convention d’efforts de l’entreprise devront faire l’objet d’un choix judicieux. S’il n’en faut pas trop, ne pas en avoir assez peut être préjudiciable. Le dirigeant doit vérifier que ces indicateurs fondamentaux sont en nombre et en qualité suffisants. Il ne peut pas indiquer non plus des objectifs trop disparates. À vouloir tout on ne fait rien, et on ne peut pas réduire l’entreprise à quelques indicateurs financiers. Les collaborateurs, en règle générale, ne travaillent pas essentiellement pour des objectifs financiers. Ils cherchent à réaliser leur travail dans les meilleures conditions possibles, à satisfaire des clients externes ou internes, et souvent les indicateurs financiers ne sont qu’une ultime sanction d’un travail bien fait. Parfois ce sont aussi des caches misères. De la même façon, le dirigeant devra gérer les ressources financières avec précision, tant sur le long terme que sur le court terme, car, le manque d’oxygène que représente une trésorerie courte peut être fatal à l’entreprise même si par ailleurs les indicateurs indiquent une bonne santé et un endettement faible. L’autre ressource rare qu’il s’agit de gérer avec précision sûr, est celle que constituent les hommes et les femmes, collaborateurs de l'entreprise, temps partiel ou temps plein, notamment l’encadrement et entre autres, les métiers ou les expertises rares. Comment va-t-on allouer ces ressources et remplir les différentes cases d’un organigramme ou les différentes fonctions dans le cadre d’un grand projet, sont des décisions majeures ? Dans ce même ordre d’idée, le Knowledge management, le véritable management des connaissances et des compétences de l'entreprise, devient un enjeu stratégique. À ne pas avoir les ressources pertinentes, il est des projets qui ne peuvent se réaliser. À ne pas anticiper sur les organigrammes de remplacement, il est des évolutions que l’entreprise ne pourra pas suivre. Mais après cette ressource rare, il en est une autre aussi importante, constituée des modalités opératoires et des grands processus structurants de l’entreprise. Il peut s’agir tant de l’organisation au sens large, du système de pilotage et de reporting, des structures d’accompagnement, qu’elles soient transverses ou non, des outils de référence (glossaire interne, processus, instances dirigeantes, organes ou comités ad hoc, tout ce qui concerne le gouvernement d’entreprise …). Les missions, les fonctionnalités, les moments de toutes ces instances doivent être précisées car elles représentent le substrat qui permet le fonctionnement et la mise en tension de toute l’organisation (donc la mobilisation des énergies). 1.6.5 Gérer l’agenda et les temps forts La suite logique et bien sûr la gestion des moments de la vie de l’entreprise, à savoir les temps forts, c’est à dire la structuration de l’agenda, de la Direction Générale, de l’agenda des dirigeants, et de tous les moments symboliques qui permettent de constater un résultat, de lancer un effort particulier, de mobiliser les énergies vers un but défini. Les entreprises, comme toutes les organisations, ont ces temps forts, ces grand-messes, ces conventions qui permettent de faire passer des messages et il faut choisir ces événements et les gérer avec soin. Ils font partie intégrante de la culture d’entreprise. Comme il faut savoir gérer avec soin des savoir-faire spécifiques et différenciant qui sont un véritable patrimoine de l’entreprise. Souvent d’ailleurs il ne s’agit pas d’un seul et unique savoir-faire mais plutôt de l’alchimie fine née de l’association de mille et un savoir-faire qui permettent à une entreprise progressivement de construire son chemin critique dans tous les enjeux paradoxaux qu’elle s’est fixée. Ces tours de mains mettent souvent des décennies avant de se finaliser puis progressivement deviennent des savoir-faire communs que tous s’approprient, et tombent alors dans le domaine commun. L’entreprise doit avoir à cœur de se remobiliser pour, dans le cadre de projets d’innovation, redéfinir de nouveaux savoir-faire spécifiques et stratégiques. 1.6.6 Gérer la communication symbolique et les systèmes d’information Il faut ensuite que le dirigeant gère avec soin la communication institutionnelle de son organisation. Il ne peut pas communiquer une chose et son contraire. Lorsqu’il s’exprime publiquement, notamment à l’occasion d’une annonce importante, ou par exemple lors d’une crise importante, il doit choisir avec soin ses propos et s’y tenir pendant le temps nécessaire. Il engage en effet toute l’entreprise et est redevable vis à vis de la collectivité, comme vis à vis de ses partenaires internes, de la qualité de sa communication pour la survie de l’entreprise. En dernier lieu, et dans la même veine, on pourrait citer la nécessité d’avoir pour l’entreprise un système d’information de qualité, le dirigeant devant s’assurer que les choix de ce système d’information sont pertinents et non seulement permettent à l’entreprise d’être bien gérée, mais aussi de bien connaître ses clients, son personnel, et de procéder à tous les traitements significatifs lui permettant d’améliorer sa performance. 1.6.7 Donner le bon et garder le mauvais Concernant ces systèmes de communication et d’information, il importe que le dirigeant s’attribue certaines tâches et en cède d’autres. Il doit accepter, même si cela n’est pas gratifiant, de prendre sur lui d’annoncer les mauvaises nouvelles quand elles arrivent. En contrepartie, il doit « donner » à ses collaborateurs la possibilité d’annoncer les bonnes nouvelles. « Il n’y a pas de bonne façon d’annoncer de mauvaises nouvelles » disait Louis Schweitzer, Président de Renault, à l’occasion de la fermeture de Villevorde et du licenciement des personnels concernés. Et, pour le faire il faut du courage. Courage moral mais aussi courage physique, car dans certains cas les menaces existent réellement et il y a des moments où le dirigeant souhaiterait ne pas être au centre de telles problématiques, même si rationnellement ses décisions sont étayées, prises en connaissance de cause, avec tout le soin possible et toute l’éthique souhaitable, pour le bien de l’entreprise, et en respect des collaborateurs. 1.6.8 Sanctionner avec équité Comme l’entraîneur, ou le capitaine de l’équipe, les dirigeants doivent récompenser et sanctionner, entraîner, animer, orienter, encourager, contrôler et corriger l’ensemble de leurs équipiers proches. Souvent dans les contextes d’entreprises de culture latine, certaines fonctions sont mieux remplies que d’autres. C’est ainsi que la fonction punition voire exclusion, est rarement exécutée avec professionnalisme dans les entreprises de culture latine. Le dirigeant ne s’attribue pas facilement cette mission qui ressort pour lui sans doute d’une instance supérieure (dans la culture chrétienne, le jugement dernier n’appartient pas aux hommes) et peut être ne se sent-il pas légitime, comme il ne sent pas légitime tout jugement qui pourrait le concerner. Et pourtant, nombreuses sont les équipes qui souhaiteraient avoir des dirigeants qui sachent mieux sanctionner en positif ou en négatif. 1.6.9 Etre au service De la même façon, les dirigeants ne comprennent pas toujours qu’ils sont au service de leurs équipes et non l’inverse. En définitive s’ils savent se mettre au service de leurs collaborateurs, ceux-ci auront plus de chances d’atteindre leurs objectifs et à leur tour sauront donner ces résultats à leur dirigeant qui atteindra lui aussi de ce fait ses objectifs. Servir ou se servir, dilemme du dirigeant, certains croyant que l’entreprise à été créée pour eux, et qui dans certains cas engendrent des problématiques d’enracinement, de cristallisation, et gênent terriblement l’évolution de l’entreprise dans un environnement mouvant. Les dirigeants sont au service de leurs équipes et de leurs entreprises pour les faire réussir, c’est une des mission du conseil de surveillance, ou des instances de gouvernance de vérifier cette situation.. 1.6.10 Mettre en place des organisations saines En ce sens, une de leur mission principale est d’arriver à créer des organisations saines, qui permettent à leurs équipes de progresser et favorisent le développement et l'éclosion des talents. Rien ne sert en effet d'investir des sommes conséquentes sur la formation des dirigeants, ou de recruter des gens de haut niveau à l’extérieur, pour les mettre dans les organisations dont la salubrité est douteuse 1.6.11 Etre circonspect par rapport aux modes managériales La mode actuelle tend par trop à parler du leadership et de leader « charismatique » pour désigner un dirigeant qui à la fois est expert de son domaine, bon généraliste, lié à des comportements adaptés et surtout grand communiquant. Les excès de cet histrionisme managérial triomphant on fait la une des journaux économiques de ces dernières années, avec les revers que l’on connaît. Ces « deus ex machina » de la littérature managériale moderne sont une mauvaise réponse à un véritable problème lié à la complexité de la gestion des organisations modernes. Comment devenir ce modèle de dirigeant que non seulement les entreprises modernes appellent, mais également les démocraties, ceci aux fins de s’assurer de situations concurrentielles saines, transparentes et performantes reste un problème majeur. La formation et l’enseignement distribués par les grandes institutions comme les Business Schools essaient progressivement de répondre à cette question. La critique pertinente d’Henry Mintzberg sur les MBA (Développer des dirigeants pas des MBA !) montre à quel point il est difficile de reproduire une réalité de terrain dans une salle de classe. Les institutions d’enseignement supérieur du management sont riches de leurs contenus cognitifs et les entreprises de leurs innovations de pratique. 1.7 Les compétences de management et de leadership nécessaires ne sont pas les mêmes au fur et à mesure de la progression dans les niveaux de responsabilités Ces différentes compétences n’ont pas la même importance selon le poste tenu : En début de carrière les dimensions majeures pour un manager sont centrées sur la résolution de problèmes de type technique ou commercial et la prise de décision sur des points d’expertise. Puis ils se voient confier une équipe et apparaissent la dimension management de personnes. Ils doivent s’insérer ensuite dans des équipes projets, élargir leur horizon, intégrer la complexité de l’organisation. Nommés au poste de directeur la dimension management d’homme est plus collective, il y a moins la possibilité de se réguler par face à face. La dimension changement et stratégique devient alors forte, et c’est ce que l’on attend d’un dirigeant ! Enfin parvenu au niveau des dirigeants (exécutifs) ce seront des compétences de leadership qui seront dominantes (vision, valeur). A chaque étape, des compétences nouvelles doivent être acquises, et il faut en partie délaisser les compétences qui ont fait le succès dans les étapes antérieures. Oublier ce qui a fait son succès, faire le deuil de ce que l’on sait faire, apprendre des choses nouvelles en acceptant de faire des erreurs, et c’est une mutation souvent difficile. On connaît ce phénomène : lorsqu’on nomme un bon ingénieur ou un bon professionnel à un poste de management, il arrive que l’on perde un bon ingénieur et que l’on gagne un piètre manager. Le manager nouvellement promu continue à faire un travail de professionnel, à vouloir être le meilleur de l’équipe et par contre délaisse les activités de management, vécues comme une contrainte, stressante et peu gratifiante. Il est tout aussi fréquent de voir des managers nommés directeurs se préoccuper avant tout de l’optimisation des ressources sans se demander si ce qui est fait est ce qu’il faudra continuer à faire et gérer plutôt que de diriger. Passer d’une position à une autre est faire un saut qualitatif car ce qui a fait le succès d’une personne peut devenir la cause de son échec. 1.7.1 Les compétences nécessaires aux managers et aux leaders ne sont pas les mêmes selon l’ambition stratégique et le niveau de complexité de l’organisation. Pour une entreprise qui a une ambition stratégique moyenne avec une organisation où la majorité des décisions sont prises par les dirigeants, il n’est pas nécessaire d’avoir de nombreux managers et leur rôle est essentiellement opérationnel et d’encadrement des équipes, quant aux leaders ce sont les quelques dirigeants, souvent les fondateurs, qui prennent toutes les décisions en utilisant leur connaissance du métier de l’entreprise et leur intuition. Lorsque l’entreprise grandit (niveau 2), se développe au niveau national, exporte à l’étranger, elle a besoin de se structurer et elle se dote de managers professionnels qui vont importer les modes de management classique et décharger la Direction Générale des décisions mineures. Les leaders sont essentiellement les membres de cette Direction Générale réunis dans un Comité de Direction qui élabore sous la conduite du PDG, la stratégie d’entreprise, son plan, et le décline en budgets. Lorsque l’entreprise se décentralise (niveau 3), elle a besoin de plus de dirigeants pour mener les différentes business units qui la compose. Elle repose sur eux pour élaborer la stratégie de leur unité dans le cadre de la stratégie générale, les grandes fonctions ont alors un rôle de coordination des politiques et ses dirigeants doivent veiller à ce que les décisions respectent le principe de subsidiarité. Aux niveaux 4 ou 5 l’entreprise est un réseau complexe d’unités business, géographiques, fonctionnelles, de projets transverses, les leaders devront être à même de se retrouver dans cette complexité, de diriger leur unité tout en sachant partager et collaborer avec les autres unités. L’art du management des Ressources Humaines est d’avoir les talents dont on à besoin pour la prochaine étape du développement. 1.8 Conséquences pour les Ressources Humaines 1.8.1 Former des managers efficaces On à vu la complexité de la tâche des managers, certains ont plus de potentiel que d’autres à le devenir et il faudra que la DRH les identifie, mais peu, même s’ils sont particulièrement titrés auront acquis cet ensemble de compétences. C’est à la DRH qu’il appartiendra, de les développer par des formations, du coaching, des mises en situation, de suivre plus particulièrement leur évolution de carrière pour leur permettre de progresser vite, mais pas au prix de leur brûler les ailes. L’observation des pratiques d’entreprise montre que ce n’est que récemment que l’on à pris conscience des difficultés du rôle de manager, dans nombre de cas on en était resté à la notion de cadre spécifique en France et où l’essentiel de la fonction consiste à encadrer le travail des autres. C’est la fonction contrôle et déploiement des stratégies décidées au plus haut niveau qui est alors dominante. Dans cette conception ancienne du « cadre » ce qui compte c’est l’expérience, la connaissance de la culture de l’entreprise et de ses modes de fonctionnement, mais tout ce qui relève de l’intrapreneurship, de la dimension stratégique du manager opérationnel, du rôle de facilitation de la communication, de la participation aux équipes transverses était largement accessoire et réservé au mieux aux fonctions corporate en staff. Reconnaître que le rôle de manager s’est considérablement complexifié à amené les entreprises à créer de nouvelles fonctions de management développement s’appuyant de plus en plus sur des universités d’entreprise. Le rôle du responsable du management développement est d’identifier parmi les jeunes ingénieurs et cadre ceux qui ont la motivation et le potentiel d’évoluer vers des responsabilités managériales, de les aider dans cette évolution en particulier par des actions de formation organisées par les universités d’entreprises et par des actions de coaching. Parallèlement il faudra « traiter » ceux qui ne se comportent pas comme des managers. Comment espérer améliorer la qualité du management en particulier dans sa dimension gestion des équipes si l’on tolère des agissements, qui vont à l’encontre des règles de base, comme le respect des individus, la reconnaissance du travail effectué. On sait pertinemment décoder le discours sur les qualités du manager lorsque sont promus à des postes de responsabilité ceux qui ne privilégient que les aspects économiques et méprisent les facteurs humaines, ceux dont on dit parfois qu’ils mettent du « sang sur les murs ». Soit il s’agit d’une méprise profonde sur le rôle du manager et dans ce cas il faut remettre les points sur les i et former soit il faut éliminer le plus rapidement possible ces managers malfaisants, même s’ils obtiennent de bonnes performances à court terme. Le rôle de manager est complexe, les professionnels qui y aspirent ne peuvent pas s’y lancer sans accompagnement, sauf à prendre des risques majeurs. C’est à ces moments de rupture : passage du rôle de professionnel à celui de manager, puis du rôle de manager à celui de directeur et enfin de directeur à dirigeant, que cet accompagnement est le plus utile. C’est à ces moments que les jeunes à potentiel doivent suivre ces actions de développement proposées dans le cas des, Universités d’Entreprise sur lesquelles nous reviendrons. Il est clair en effet que l’on ne peut attendre de l’enseignement supérieur, surtout en formation initiale, qu’il produise de tels profils. L’expérience du champ de bataille n’est pas substituable. 1.8.2 Identifier, developer les leaders, the leadership factory C’est sans doute l’une des préoccupations majeures des Directions Générales et l’un des chantiers principaux pour la Direction des Ressources Humaines. Les dirigeants sont en général plus âgés que la moyenne et il faut prévoir leur succession. De plus avec la complexification des organisations, le rythme soutenu des changements stratégiques les entreprises ont besoin d’un nombre plus important de leaders avec des compétences rares: pensée stratégique, capacité à gérer des situations incertaines, ambiguës, à travailler dans des univers internationaux. Par le passé des leaders « innés » émergeaient souvent suite à des crises majeures (guerres) et pouvaient remplacer les héritiers du système, aujourd’hui les entreprises complexes doivent créer des processus pour identifier des managers qui ont du potentiel de leadership et les développer en nombre, certains parleront de leadership sourcing voire de leadership factory, de talent management, de talent supply chain. Certaines compétences de leadership renvoient à la personnalité même : ambition, courage, persévérance, optimisme, stabilité émotionnelle et il faudra les utiliser comme des critères d’identification, d’autres peuvent être développées : communication, travail en équipe, vue systémique, analyse stratégique, compréhension des organisations modernes. Des lors il faudra :  Clarifier les compétences nécessaires pour les leaders de demain compte tenu des enjeux stratégiques et de l’organisation.  Identifier ceux qui ont le potentiel pour devenir ces leaders, se méfier de la tentation de reproduire le vivier des dirigeants à l’identique des dirigeants en place, et à l’inverse avoir une recherche active de nouveaux talents parfois en dehors du cœur culturel de l’entreprise.  Les développer par des formations, des mises en situation, du coaching.  Les conserver par des packages attractifs et surtout en leur proposant des challenges d’évolution.  Faire des organigrammes de remplacements envisageant qui pourrait succéder à qui et quand. La Direction des Ressources Humaines doit établir une véritable stratégie de développement de ses futurs leaders plutôt que de reposer sur la seule appréciation de la hiérarchie qui il faut le reconnaître à parfois tendance à reproduire ses modèles ceux qui ont fait la réussite de l’entreprise hier. C’est l’un des chantiers prioritaires d’une Direction des Ressources Humaines stratège que nous examineront plus loin.